16 et 17 juillet 1942 : la rafle du Vel'
d'Hiv
Les
16 et 17 juillet 1942, alors que la moitié de la France était occupée par
l'armée allemande, la police française, et elle seule, raflait 13 000 Juifs
à Paris, les parquait dans des conditions innommables au Vélodrome d'Hiver, le
Vel'd'Hiv, situé dans le 15e arrondissement parisien, avant de les
transférer à Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande, puis de les déporter vers
des camps d'extermination, dont bien peu revinrent.
Cette rafle n'était pas la première ni
malheureusement la dernière.
Le rôle de la pollice
française
Celle de juillet 1942, minutieusement
organisée sur ordre des troupes d'occupation, fut exécutée sans la moindre
participation de policiers ou de soldats allemands, mais uniquement par la
police française. Les autorités françaises firent preuve d'un zèle qui, a-t-on
dit, étonna les autorités allemandes d'occupation. La rafle de juillet 1942
visait en principe uniquement les Juifs de nationalité étrangère. Les Juifs
étrangers étaient nombreux, qui avaient fui les persécutions d'Allemagne et
d'Europe centrale.
Pour faire croire à l'opinion que ces
arrestations étaient motivées par un besoin de main-d'œuvre en Allemagne, il
avait été prévu, au départ, de ne pas arrêter les enfants de moins de
16 ans. Mais Laval, chef du gouvernement de Pétain, décida de les faire
arrêter tout de même, prétextant une mesure « humanitaire » : pour qu'ils ne
soient pas, a-t-on dit, « séparés de leurs parents ».
Cette rafle avait été précédée de diverses
mesures. Il y avait eu, tout d'abord, le recensement obligatoire des Juifs en
octobre 1940. Les Juifs avaient dû se présenter dans les commissariats et se
déclarer comme tels.
Ne pas le faire les exposait à des
sanctions « les plus sévères ». Environ 90 % d'entre eux se firent
recenser et 150 000 Juifs ont ainsi été fichés en zone occupée, dont 64
000 étrangers. Au moment des rafles, la police savait donc parfaitement où
aller.
Depuis juin 1942, tous les Juifs devaient
porter, cousue sur leurs vêtements, une étoile jaune avec l'inscription « Juif
».
Les 16 et 17 juillet, les permissions
dans les rangs de la police avaient été annulées. Mais les choses ne se
passèrent pas toujours comme prévu. Il y eut des policiers ou des gens avertis
de l'opération qui réussirent à prévenir des Juifs : « Dans deux heures,
on viendra vous chercher. » Et un certain nombre échappèrent au coup de filet.
Des hommes surtout car, comme jusque-là c'étaient surtout les hommes qui
avaient été raflés, on croyait dans l'opinion juive que les femmes et les
enfants risquaient moins.
L'opinion publique «
profondément troublée »
Ce
ne fut pas le cas : sur les 13 152 personnes arrêtées, il y eut 10 000
femmes et enfants. Un rapport de police de l'époque tire ce bilan : « Les
mesures prises à l'encontre des Israélites ont assez profondément troublé
l'opinion publique. Bien que la population française soit dans son ensemble et
d'une manière générale assez antisémite, elle n'en juge pas moins sévèrement
ces mesures qu'elle qualifie d'inhumaines. Les raisons de cette désapprobation
reposent (...) sur les bruits (...) d'après lesquels les familles seraient
disloquées (...). C'est cette séparation des enfants de leurs parents qui
touche le plus les masses françaises et provoque des réactions qui se
traduisent par des critiques sévères à l'égard du gouvernement et des autorités
occupantes. »
Durant cette période, 80 000 à 85
000 Juifs résidant en France ont été exterminés, soit près du quart
d'entre eux. Ceux qui réussirent à échapper à leurs bourreaux le durent souvent
à l'aide d'une partie de la population.
Le recyclage des
responsables
La guerre finie, cette politique barbare
fut bien vite oubliée, ou plutôt occultée. Les Maurice Papon, haut
fonctionnaire sous Vichy, responsable de la déportation de dizaines de Juifs
dans la région de Bordeaux, les René Bousquet, secrétaire général de la police
en 1942 et à ce titre organisateur en chef de la rafle du Vel' d'Hiv, poursuivirent
une brillante carrière, comme la plupart des hauts fonctionnaires d'ailleurs.
Le premier fut préfet de police, puis ministre de Giscard d'Estaing, le second
occupa de hautes fonctions dans le monde financier, entretenant, l'opinion
l'apprit sur le tard, des relations amicales avec François Mitterrand.
La volonté des dirigeants français qui se
succédèrent après la guerre était de montrer que le régime de Vichy et de
Pétain ne s'inscrivait pas dans la continuité, mais constituait une rupture
totale avec la tradition républicaine de la France. À l'évidence il n'en était rien, dans les
hommes qui assurèrent la continuité de l'État, ou encore la continuité «
industrielle et économique ». Une grande partie de ceux qui servaient sous
Vichy restèrent en place sous de Gaulle, puis sous la IVe et la Ve République.
Aujourd'hui, on évoque le devoir de
mémoire. Mais il ne suffit pas de se souvenir, encore faut-il comprendre.
Comprendre comment et pourquoi une société policée, cultivée, moderne a pu
donner naissance à cette barbarie sans nom, dont la Seconde Guerre
mondiale, le nazisme, furent le produit. Tout cela au nom de la volonté des
capitalistes de maintenir leur pouvoir économique et leurs privilèges.
Et surtout comprendre comment agir pour
que cela ne se reproduise plus.
André VICTOR