Municipales
: un second tour sans enjeu pour le monde du travail
24 Juin 2020
Avant le second tour des
municipales, les sondages se montraient unanimes pour pronostiquer une poussée
des Verts, qui prolongerait celle, limitée, des scrutins précédents.
Mais, si cela se confirme, elle
témoignera moins d’une adhésion croissante d’une partie de l’électorat aux
thèmes de l’écologie politique, que d’un rejet électoral persistant des partis
de la droite et de la gauche gouvernementale qui, depuis qu’ils se relaient au
gouvernement, ont amplement eu le temps de se discréditer.
Si le macronisme a bénéficié de
cette situation à la présidentielle, il lui a fallu encore moins de temps pour
suivre le même chemin, comme les résultats des municipales vont sans doute le
souligner. Les Verts pourraient, par défaut, en profiter pour améliorer leurs
scores, voire gagner certaines grandes villes ou y intégrer la majorité
municipale : Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Lille... Cela, qu’ils conduisent
des collectifs rassemblant certains partis de gauche, tel l’Archipel citoyen à
Toulouse, ou qu’ils se présentent contre ces mêmes partis, comme à Lille où
Martine Aubry a de ce fait reçu le soutien de la droite. Sans que la liste des
combines et combinaisons électorales soit close, il y a aussi les cas où les
Verts ont fait cause commune avec des politiciens qu’ils dénoncent par
ailleurs. À Paris, ils ont rallié entre les deux tours la liste d’Anne Hidalgo,
afin de s’assurer quelques places de notables supplémentaires.
C’est que, même repeint en vert,
le monde politicien d’après a des couleurs aussi peu ragoûtantes que celui
d’avant.
Cela peut faire sourire ou
grincer des dents de voir Rachida Dati, maire de droite du très bourgeois 7e
arrondissement de Paris, promettre dans Le Parisien du 23 juin : «
Je peux changer la vie des Parisiens. » Il est peu probable que cette
réactionnaire affichée crée quelque illusion, en tout cas dans les milieux
populaires. Mais, même si les Verts l’emportent dans certaines villes,
qu’est-ce que cela changera ? Il y aura peut-être plus de pistes
cyclables, et un peu plus d’arbres là où les municipalités sortantes n’avaient
disposé que des pots de fleurs. Dans les cantines scolaires, il y aura aussi
peut-être plus de menus végétariens ou assimilés.
Est-ce que cela changera quoi que
ce soit même à la lutte contre le réchauffement climatique, dont les Verts et
d’autres ont fait leur drapeau ? De leur part, c’est au mieux un vœu
pieux, quand on s’interdit par avance de s’en prendre à un système où une
poignée de capitalistes décident de tout en fonction de leurs seuls intérêts,
non pas dans une municipalité, mais à l’échelle de pays entiers et de la planète.
Et qui peut croire que, quelle
que soit leur couleur, les majorités nouvelles ou reconduites dans telle ou
telle commune pourront remédier aux maux qui s’abattent sur le monde du
travail, aux effets de la crise du capitalisme, à l’explosion des licenciements
et de la misère dans les milieux populaires depuis la crise sanitaire ? Le
voudraient-elles, que ces municipalités n’en auraient de toute façon pas les
moyens.
Les résultats des municipales
pèseront sans doute, à l’échelle locale et nationale, dans les petites et les
grandes manœuvres des appareils des écuries politiciennes qui préparent leurs
poulains et pouliches pour les régionales et la présidentielle à venir. Pour
tout ce petit monde, ces élections représentent un enjeu. Mais en aucun cas
pour le monde des travailleurs.
Pierre LAFFITTE (Lutte ouvrière n°2708)