Etre communiste c’est être trotskyste. Parcours personnel.
Une
fois n’est pas coutume, je voudrais évoquer mon itinéraire politique à la suite
de cette petite histoire sur nos origines que j’ai écrit jour après jour durant
ce dernier mois de confinement et qui se termine sur le combat de l’Opposition
de gauche et la continuité du mouvement trotskyste. Je voudrais dire comment je
suis devenu trotskyste, et finalement pourquoi cela m’a permis de rester
communiste.
Dans
ma famille, pour mes parents catholiques, aux temps des dites « Trente
glorieuses », il y a le monde des riches et celui des pauvres. Moi,
j’étais du côté de ces derniers. Au collège Paul-Vaillant-Couturier, mon
expérience fut aux antipodes de celle du chroniqueur Guy Carlier que les édiles
d’Argenteuil ne manquent jamais de mettre en avant. La plupart de mes
enseignants m’ont aidé à commencer à m’interroger à une époque où j’ai rompu avec
la religion. J’apprendrai 20 ans plus tard que le directeur du collège lorsque
j’étais en 6ème et en 5ème avait été un condisciple de
Maurice Nadeau et avait partagé ses engagements trotskystes. Au même moment,
croisant mon professeur de français de ces années-là, il m’invitera à récupérer
un livre chez lui. C’était « Mémoires d’un révolutionnaire » de
Victor Serge…
Mes
parents sympathisaient avec le petit réseau de « cathos de gauche »
de la Ville qui avaient intégré le parti socialiste dissident d’alors, le Parti
Socialiste Unifié opposant à la Guerre d’Algérie. Durant l’année de Troisième,
j’avais participé aux activités du groupe JOC du quartier qui mêlait jeunes
ouvriers, employés, collégiens et lycéens. À la fin de l’année, en juin 1967,
le couple « Matte » qui habitait dans notre escalier me proposèrent
de participer à une réunion politique, celle du PSU local. Ce fut ma première
du genre.
Je
suis entré à l’École normale d’instituteurs de Versailles à la rentrée
suivante. Je ne peux pas dire que l’internat m’ait réussi. Mais pour la
première fois j’entrais en contact avec des militants trotskystes. Les
partisans de Pierre Lambert y menait depuis plusieurs années une activité et
avaient réussi à y recruter un certain nombre de militants. Des militants qui
pour certains continuent à militer, dont deux dans le Val d’Oise que je croise
de temps en temps. Mais je fis rapidement connaissance du groupe Voix ouvrière auquel ma professeure de
français appartenait. Premières discussions, découverte de la Révolution, de
l’internationalisme, du communisme…
Dans
ma classe d’École normale, il y avait la présence d’autres influences
politiques, la Jeunesse Communiste, le fils d’un ancien cadre du FLN…
…Et
puis, il y eut Mai 68 qui opéra une incontestable fracture entre la jeunesse
politisée et le PCF, en tout cas pour un certain nombre d’entre nous.
Durant
les « évènements », je restais en contact avec Voix ouvrière à la Sorbonne.
J’avais
grandi à Argenteuil, et si j’appartenais à ce milieu « catho », la
vie locale était néanmoins pour tous marquée par le PCF. À cet âge-là, je ne me
souviens plus à quel sujet, mais je me souviens d’avoir disserté sur les
mérites de… Roger Ouvrard.
J’avais
sans doute bien failli rejoindre la Jeunesse Communiste durant les vacances de
l’été 1967, sous l’influence des deux bibliothécaires de la bibliothèque Art
déco sise à côté de l’ancienne mairie, que je fréquentais ces mois-là. Mais
j’étais rentrée à l’École normale…
En Mai-68, j’avais vécu une petite expérience de
l’influence énorme du PCF d’alors parmi les milieux populaires.
Chauffé à l’ambiance de la Sorbonne, j’avais pris un tas
du journal Voix ouvrière et, ingénument, je m’étais apprêté à le liquider
rapidement lors d’une présence sur le grand marché Héloïse du dimanche. Eh bien,
quelle n’avait pas été ma déception de faire totalement choux-blanc. Il y avait
donc un monde entre la Sorbonne et Argenteuil, entre l’effervescence étudiante
et les milieux ouvriers qui avaient leur journal, l’Humanité.
À cette époque, je ne connaissais pas grand-chose. Je
n’avais commencé à lire vraiment, et de la littérature, seulement l’année
précédente. Mais l’agitation de cette période faisait que l’on apprenait vite,
et que l’on était rapidement amené à choisir un camp, même si nos convictions
et nos connaissances étaient vraiment superficielles. Et mon cœur était du côté
des trotskystes. Serait-ce du côté de la LCR, de l’Organisation Communiste
Internationaliste de Lambert, ou de Voix ouvrière qui avait été dissoute mais
dont les partisans s’étaient regroupés autour du journal Lutte ouvrière ? À voir, Mais vis-à-vis de Lutte ouvrière, il y avait un plus,
c’était sa conviction que la classe ouvrière est la force qui peut être
l’accoucheuse du communisme et qu’il s’agissait de disputer l’influence
politique au PCF qui y était hégémonique. Et ce qui l’emporta à l’encontre de
celui-ci ce fut l’Internationalisme du trotskysme, avec la perspective de la
Révolution mondiale et des États-Unis socialistes du monde.
A la fin de la première, je commençais à lire
sérieusement des ouvrages du marxisme et du mouvement ouvrier.
En terminale, à Pâques, je suis à la campagne. Je lis
alors un livre extraordinaire qui est Ma
Vie de Léon Trotski. Son analyse de la dégénérescence de l’Union
soviétique, du stalinisme, et leurs effroyables conséquences pour l’avenir de
la transformation du monde m’enthousiasme et me convainc… Pour moi, aucun doute
possible, on ne peut être communiste que si l’on est trotskyste. Et
l’effondrement de l’URSS et ses péripéties des années 1990 et suivantes ne
feront que conforter mes convictions. Là où ces évènements allaient désespérer
des centaines de milliers de militants des partis communistes à travers le
monde, elles me confortèrent plus que jamais. DM