‘‘Séparatisme’’ : une loi pour
conforter les préjugés
25 Novembre 2020
Lorsque Macron avait annoncé son
projet de loi aux Mureaux, le 2 octobre, il avait déclaré vouloir légiférer sur
le séparatisme, désignant même explicitement un prétendu séparatisme musulman.
Il a été ensuite question d’une loi sur la laïcité, pour finalement aboutir
aujourd’hui à un texte « confortant les principes républicains ».
Le gouvernement a retiré ainsi ce
qui montrait trop clairement que c’était les musulmans, ou ceux prétendus tels,
qui étaient visés par le nouvel arsenal législatif. Mais celui-ci n’a fait que
se durcir au fil des semaines.
Le gouvernement profite de
l’émotion engendrée par la publication de vidéos haineuses à l’encontre de
l’enseignant Samuel Paty suivies par son assassinat. Il prétend ainsi renforcer
les sanctions pour la diffusion sur les réseaux sociaux d’informations
permettant d’identifier et de mettre en danger une personne, pour prévoir des
sanctions spécifiques lorsque les victimes en sont des agents de l’État ou des
élus. Les enseignants seront-ils mieux protégés ? Rien n’est moins sûr.
Par contre, bien des contestataires seront incités à y réfléchir à deux fois
avant de publier une vidéo sur des policiers violents ou des élus corrompus.
Le projet de loi prévoit aussi de
surveiller de près le financement des associations cultuelles. Une disposition
dite anti-putsch est même prévue pour empêcher toute prise de contrôle d’une
mosquée par des extrémistes, ou jugés tels.
En outre, pour mettre fin aux
écoles islamistes clandestines, la scolarisation sera rendue obligatoire dès
l’âge de 3 ans et le gouvernement veut attribuer un identifiant à chaque
enfant, de manière à pouvoir vérifier s’il est bien inscrit à l’école, Darmanin
assure vouloir ainsi « sauver ces enfants des griffes des islamistes. »
C’est mensonger car, en réalité, seuls 50 000 enfants recevraient un
enseignement hors des écoles, dont la majorité le feraient pour cause de
maladie.
Macron et ses ministres jurent
que ces mesures ne visent pas tous les musulmans, mais uniquement les
islamistes radicaux. Ceux-ci existent, bien sûr, et des militants de l’islam
politique cherchent aujourd’hui à étendre leur influence dans bien des
quartiers populaires. Mais de telles mesures ne dissuaderont évidemment pas un
jeune fanatisé de commettre des crimes au nom de sa religion. Par contre, dès
aujourd’hui, la campagne du gouvernement et la loi qui en est issue contribuent
à diviser un peu plus les classes populaires, entre les musulmans, suspectés
d’être des suppôts du terrorisme, et les autres.
Pour les travailleurs, cette
division constitue un danger mortel en risquant d’affaiblir leur capacité de
lutte et de renforcer leurs pires ennemis : d’un côté, l’extrême droite
fascisante dont les idées se trouvent ainsi confortées par le pouvoir et, de
l’autre, les militants islamistes intégristes qui veulent apparaître comme les
défenseurs de leur supposée communauté face à un pouvoir qui la stigmatise.
Plus que jamais, il est
indispensable d’opposer à ces idées de division les idées de la lutte de classe
et la nécessité pour tous les exploités, quelle que soit leur religion ou leur
origine, de s’unir dans un même combat pour changer la société.
Jacques Le Gall (Lutte ouvrière n°2730)