Accord franco-algérien de
1968 : une cible pour Retailleau
Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, qui
se livre à une surenchère xénophobe, a fait des accords bilatéraux de 1968
entre la France et l’Algérie sa nouvelle obsession.
Publié le 05/03/2025
Sous sa pression et celle d’une extrême droite
héritière des partisans de l’Algérie française, François Bayrou a lancé un
ultimatum au gouvernement algérien : si, d’ici quatre à six semaines, il ne
coopère pas à sa politique d’expulsion des ressortissants algériens, l’accord
de 1968 sera dénoncé, aggravant encore les tensions entre les deux pays.
En 1968, cet accord signé entre la France et
l’Algérie créait un statut particulier pour les Algériens en matière de
circulation, de séjour et d’emploi en France. En fait, il représentait une
restriction par rapport aux accords d’Évian de 1962, qui avaient mis fin à la
guerre d’Algérie et instauré la libre circulation des Algériens sur le
territoire français, comme celle des Français en Algérie.
Cet accord avait été conçu pour faciliter
l’immigration économique des Algériens, à une époque où le patronat français,
qui avait un besoin urgent de main-d’œuvre dans les usines et les chantiers,
voyait l’immigration portugaise ou espagnole se tarir. À partir de là, les 35
000 travailleurs algériens qui s’installèrent chaque année en France, en
justifiant d’un emploi, bénéficièrent d’une carte de résident de cinq ans pour
eux et leur famille.
En 1971, la nationalisation des hydrocarbures en
Algérie déclencha en France une campagne raciste contre l’immigration
algérienne et, en 1973, l’Algérie mit fin à l’immigration de travail vers la
France.
Par la suite, avec la crise, la montée du chômage
et la progression des scores de l’extrême droite, l’accord fut révisé à trois
reprises, en 1985, 1994 et 2001. Si, lors de ces révisions, les conditions de
séjour des Algériens ont parfois pu être améliorées, leurs droits d’entrée et
de circulation ont été restreints.
L’accord de 1968 qui concentre les attaques des
politiciens réactionnaires est accusé de favoriser les ressortissants algériens
et de leur donner trop de facilités. C’est loin d’être le sentiment des 900
000 Algériens qui vivent actuellement en France, et qui sont encore une
fois la cible d’une campagne haineuse.
Depuis 1986, l’entrée des Algériens en France est
subordonnée à l’obtention d’un visa et la carte de séjour a été remplacée par
le certificat de résidence. À la différence des autres étrangers, qui reçoivent
lors du renouvellement un titre pluriannuel, les ressortissants algériens ne
reçoivent qu’un titre d’un an renouvelable. En outre, leur sont fermées de
droit les mentions « passeport talent », « talent-famille », « talent-porteur
de projet » et « talent-salarié qualifié » qui permettent l’obtention de titres
de séjour pluriannuels. Quant aux étudiants, un visa long séjour pour « études
» leur donne droit, à leur arrivée, à une carte d’étudiant renouvelable d’année
en année, et non pluriannuelle comme pour les autres étudiants étrangers.
Le regroupement familial plus rapide est un
avantage décrié, tout comme le fait que les commerçants algériens voulant
s’établir en France peuvent en principe obtenir un visa long séjour, sans
vérification préalable de la viabilité économique de leur projet. Ce qui est
vrai sur le papier. Mais en réalité, tout dépend des décisions des consulats de
France.
Retailleau accuse par ailleurs ces accords de
favoriser les flux migratoires en provenance d’Algérie. Mais, alors que de tels
accords n’existent pas avec le Maroc, les flux en provenance de ce pays ont
permis à l’immigration marocaine de rattraper en nombre l’immigration
algérienne.
Ce qui contrarie Retailleau est que l’accord
relève du droit international et que les parlementaires n’ont donc pas la main
dessus. Il prime sur le droit français et écarte les Algériens de ce qui relève
de celui-ci en matière d’immigration, sauf pour ce qui concerne la procédure de
reconduite à la frontière, les contrôles, les sanctions et l’asile. Macron
vient de rappeler que c’est lui qui aura le dernier mot. Quant à son homologue
en Algérie, Abdelmadjid Tebboune, il a récemment déclaré que l’accord de 1968
était une coquille vide, mais une ligne rouge à ne pas franchir.
Leïla Wahda (Lutte ouvrière n°2953)