Île Maurice : manifestation d'ouvriers
bangladais
Au tout début du mois de septembre, quatre cents ouvriers venant du
Bangladesh et travaillant pour l'entreprise textile mauricienne Real Garments
se sont mis en grève après que leur salaire d'août a été divisé par deux. De
250 euros par mois, il était passé à 125 euros.
Ces ouvriers, quand ils travaillent dans
leur pays, ne touchent qu'un salaire mensuel de 30 euros. Voilà pourquoi
ils acceptent de s'expatrier à des milliers de kilomètres, à Maurice, où ils
espèrent multiplier leurs gains par sept ou huit, mais en enchaînant des
semaines de 55 heures et en subissant des conditions de vie et de travail
épuisantes, voire humiliantes. Leurs déplorables conditions de logement en
dortoirs étaient également une des raisons de la grève.
Ce trafic de main-d'oeuvre est organisé au
profit des capitalistes de la zone franche par le gouvernement mauricien
lui-même, en accord avec les gouvernements des pays d'où sont issus les
travailleurs : Bangladesh, mais aussi Madagascar et Chine. Avec les
salaires pratiqués, les capitalistes du textile mauricien tels que Real
Garments ou Ciel sont ultra-gagnants, tout comme les sociétés d'habillement
occidentales pour lesquelles ils travaillent.
Alors que, mardi 3 septembre, ils
s'étaient rassemblés devant le siège de l'entreprise, les travailleurs bangladais
ont subi les violences de la police antiémeutes. Le ministre du Travail,
prenant fait et cause pour les patrons de Real Garments, a accusé les ouvriers
grévistes de « prendre le pays en otage et de menacer la paix industrielle
du pays », ajoutant que « si d'ici ce soir, ils ne reprennent pas le
travail, leur contrat sera résilié. Et je ferai résilier leur permis de travail
avec effet immédiat », ce qui amènerait leur expulsion du pays. La menace
ayant été mise à exécution, 92 d'entre eux ont été expulsés le mercredi
4 septembre, dont les leaders du mouvement.
Plusieurs dirigeants de l'opposition
politique et des syndicats se sont élevés contre le traitement inhumain réservé
aux ouvriers bangladais et ont demandé que les salaires retrouvent leur niveau
antérieur. Ils ont également dénoncé les expulsions. Faizal Ally Beegun, un
syndicaliste militant en faveur des travailleurs étrangers, a déclaré qu'il
s'agit là d'une « déportation pure et simple » de ces Bangladais.
« Je suis ici, a-t-il poursuivi, pour dénoncer les injustices. Il est
inconcevable que des étrangers, venus gagner leur vie à Maurice, soient forcés
de prendre l'avion en catastrophe, avec leurs vêtements empilés dans des draps
comme de vulgaires criminels. »
Si le droit au travail dépend du bon
vouloir des patrons et de leurs soutiens gouvernementaux, l'exploitation, elle,
ne connaît pas de frontières.
Émile GRONDIN