Une riche
proie à dépecer
En exigeant que l’Ukraine cède
aux États-Unis un droit exclusif sur les ressources et les infrastructures du
pays, pour un montant de 500 milliards de dollars, Trump a formulé crûment
ce qui était un des enjeux de la guerre : le partage des richesses de l’Ukraine
entre capitalistes américains et oligarques russes.
Publié le 26/02/2025
En
2023 : « Rénovons et construisons Kharkiv ». La deuxième ville du pays n’a
cessé d’être bombardé
Ces richesses sont multiples. Il
y a les centaines de milliers d’hectares de terres agricoles très fertiles, les
« terres noires », qui faisaient de l’Ukraine, avant 2022, le quatrième pays
exportateur agricole au monde. La guerre a accéléré la prise de contrôle de ces
terres par une poignée d’agro-holdings, dirigés par des oligarques ukrainiens
mais contrôlés par des capitaux occidentaux, américains comme Goldman Sachs ou européens
comme la BNP. La guerre a permis à Zelensky de faire voter une loi autorisant
des sociétés à capitaux étrangers d’acquérir ces terres, ce que la loi héritée
de la période soviétique interdisait et que les dirigeants ukrainiens
successifs, depuis l’éclatement de l’Union soviétique, n’avaient jamais réussi
à imposer avant 2024.
Le sous-sol ukrainien regorge de
minerais indispensables aux filières industrielles contemporaines, les
télécommunications ou les batteries électriques, comme le titane, le lithium ou
encore certains métaux appelés « terres rares », particulièrement convoités.
L’Ukraine possède de l’uranium, indispensable aux centrales nucléaires. L’enjeu
des négociations en cours, avec un revolver tenu par Trump sur la tempe
ukrainienne, ce sont les conditions financières et juridiques dans lesquelles
des capitalistes américains vont pouvoir exploiter, et peut-être posséder, les
mines et les usines pour extraire, traiter ou raffiner ces minerais. Et les
négociations avancent : le 25 février, la vice- Première ministre
ukrainienne affirmait que « les équipes ukrainienne et américaine sont en
phase finale des négociations concernant l’accord sur les minéraux », sans
en donner la teneur.
Le contrôle de l’économie
ukrainienne prend de multiples autres formes. Ainsi la société américaine
Westinghouse a déjà mis la main sur le secteur nucléaire, pilier de la
production électrique en Ukraine. De son côté, le Crédit agricole Ukraine, qui
appartient au même groupe que la banque française LCL, est devenu
copropriétaire du principal fournisseur de télécommunications fixes et du
troisième opérateur de téléphonie mobile du pays. En 2024, elle a été élue
meilleure banque du pays pour les prêts automobiles. Et elle n’est pas le plus
puissant des prédateurs occidentaux à avoir jeté son dévolu sur l’économie
ukrainienne. Outre les banques, d’autres capitalistes, à l’image du géant de la
distribution Auchan, sont très présents en Ukraine… mais aussi en Russie.
En négociant en tête-à-tête avec
Poutine, Trump et son équipe font d’une pierre deux coups. Ils écartent de la
mangeoire ukrainienne les capitalistes des pays européens, ou ne leur laissent
que les morceaux de second choix. Et ils se placent aux premières loges pour
reprendre leurs affaires en Russie, entravées par la guerre mais qui n’ont
jamais cessé. En déclarant le 23 février : « Nous sommes prêts à
attirer des partenaires étrangers dans les territoires historiques qui ont été
restitués à la Russie, (…) nous sommes prêts à travailler avec nos
partenaires, y compris américains, dans les nouvelles régions », Poutine a
été explicite.
Après trois ans de guerre, des
centaines de milliers de morts russes et ukrainiens, un fossé de haine creusé
entre deux peuples frères, les bureaucrates, les oligarques et les capitalistes
se pressent autour de la riche proie ukrainienne.
Xavier Lachau (Lutte ouvrière
n°2952)