Israël :
Netanyahou contesté
Des dizaines de milliers de
personnes ont manifesté le week-end du 31 mars dans les rues de Jérusalem
et de Tel-Aviv aux cris de « Cela ne peut plus durer ! » Elles ont réclamé la
démission de Netanyahou, de nouvelles élections et un accord avec le Hamas pour
la libération des otages.
Ces manifestations contre le
gouvernement révèlent que la guerre exacerbe les contradictions de la société
israélienne et apparaît de plus en plus aux yeux d’un grand nombre d’Israéliens
comme un bourbier. Netanyahou prétendait éradiquer le Hamas et éliminer ses
chefs. Une grande partie de ceux-ci sont toujours vivants et l’armée de
plusieurs centaines de milliers d’hommes et de femmes mobilisés ne peut
toujours pas prétendre qu’elle maîtrise la bande de Gaza, à commencer par ses
fameux souterrains, toujours en grande partie aux mains du Hamas. Alors,
l’inquiétude grandit et les plus conscients commencent à voir la politique de
leur gouvernement comme un aventurisme suicidaire.
Un point de tension
supplémentaire vient s’ajouter à cette situation générale. Alors que l’armée
israélienne est en permanence à la recherche de nouvelles recrues, qu’elle
vient de rallonger de quatre mois le service militaire pour les hommes, en le
portant à trois ans, et de multiplier par trois le nombre de jours de
mobilisation pour les réservistes, 66 000 jeunes ultra-orthodoxes, étudiants en
religion, âgés de 18 à 26 ans sont, dans les faits, toujours exemptés de
service militaire. De plus, les très rares parmi eux qui sont malgré tout
mobilisés, environ un millier par an, perçoivent à l’armée une solde supérieure
à celle des autres conscrits et ont droit à des règles de vie adaptées. Par
exemple, tout est fait pour qu’ils aient le « privilège »… de ne croiser aucune
femme.
Devant la colère croissante des
autres jeunes mobilisés, colère qui s’est exprimée dans les manifestations du
week-end, la Cour suprême s’est prononcée le lundi 1er avril,
pour la fin des privilèges des ultra-orthodoxes, et notamment de leurs bourses
d’études financées par l’État. C’est une décision en trompe-l’œil, aucune
sanction n’étant prévue pour les réfractaires à la mobilisation. Et puis,
surtout, Netanyahou a promis aux deux partis ultra-orthodoxes qui soutiennent
sa coalition qu’il proposerait une loi s’opposant à la décision de la Cour
suprême avant que les budgets alloués à ces étudiants ne soient gelés.
Toutes ces contestations n’ont
cependant pas encore fait naître en Israël de réel mouvement contre la guerre.
Quelques jeunes refuzniks refusent la mobilisation, mais cela reste des
protestations individuelles et l’État en profite pour le leur faire payer par
de la prison. Le premier depuis le 7 octobre à avoir refusé de servir est
un jeune de 18 ans, Tal Mitnik, qui a été condamné à une première peine de
trente jours, suivie d’une autre d’un mois et encore d’une autre de
45 jours.
Une autre objectrice de
conscience, elle aussi âgée de 18 ans, Sofia Orr, a été condamnée à vingt
jours de prison alors qu’au même moment, sous ses yeux, des étudiants
ultra-orthodoxes venaient récupérer leur lettre d’exemption. Comme d’autres
refuzniks, elle ne recule pas et a déclaré à un journaliste français : « Je
refuse de servir une armée d’occupation et de légitimer ce système. Je ne serai
pas un rouage dans ce nouveau cycle de carnage. Nous devons montrer qu’il y a
des voix de Juifs israéliens contre la guerre. » Même si cette voix est
faible, pour mettre fin à cette guerre l’espoir est bien de ce côté-là.
Pierre
Royan (Lutte ouvrière n°2905)