Les raisons avancées par la
préfecture pour nous interdire cette initiative ne nous surprennent pas. Elles
ne touchent pas seulement Lutte ouvrière, et chacun sait que nombre de
festivals, de foires, de spectacles culturels n’ont pu avoir lieu en France cet
été, parfois parce que les organisateurs n’avaient pas les moyens de les
assurer dans les conditions sanitaires prescrites, mais aussi le plus souvent
parce qu’ils ont été tout simplement interdits. C’est le cas dans le
Val-d’Oise, le département où se trouve Presles, où nous savons que d’autres
initiatives prévues dans la même période, n’ayant d’ailleurs aucun caractère
politique, ont été elles aussi interdites. Il est évident que pour les
autorités préfectorales, qui assument une grande part des responsabilités dans
l’application des mesures d’urgence sanitaire, le plus facile est d’interdire
purement et simplement toute manifestation pouvant réunir un nombreux public, y
compris au-dessous de la limite de 5 000 personnes officiellement fixée au
niveau national jusqu’au 31 octobre.
On pourrait saluer l’impartialité
de ces décisions et ce souci de la santé de la population s’ils ne souffraient
pas d’exceptions notables, notamment lorsque les manifestations concernées
comportent des enjeux financiers importants. C’est le cas pour certains
événements sportifs, tel par exemple le Tour de France reporté à ce mois de
septembre. Il y a aussi le cas où elles bénéficient de sympathies politiques
évidentes, comme le spectacle du Puy du Fou que le très réactionnaire de
Villiers a pu organiser en toute tranquillité bien au-delà de la limite
officielle des 5 000 participants ; tout cela sans parler de
l’attitude politique générale du gouvernement sur le plan sanitaire, que nous
dénonçons régulièrement dans notre journal.
Le fait est aussi que nombre
d’entreprises réunissant des milliers de travailleurs ont pu et peuvent
continuer de fonctionner, moyennant un engagement purement formel au respect
des mesures barrières, contribuant parfois de façon importante à l’extension de
l’épidémie. Là aussi, les enjeux économiques priment et cela ne peut nous
étonner. Dans une société où la recherche du profit guide une grande partie des
décisions, celles-ci ne peuvent être neutres, même quand il s’agit de sauvegarder
la santé de tous. Pour les autorités, garantir la possibilité de tenir des
manifestations axées autour de la défense des intérêts des travailleurs est
moins que jamais une priorité.
Pour une organisation voulant
défendre les intérêts de la classe ouvrière, il est pourtant indispensable
d’apparaître politiquement, de réunir ceux qui se reconnaissent dans ses idées.
Après que le confinement eut empêché la tenue de la fête de Lutte ouvrière
prévue fin mai, cette fête de fin septembre devait nous permettre de l’assurer
malgré tout, en étant en même temps déterminés à faire le nécessaire pour y
appliquer le protocole sanitaire strict. La question n’est pas le respect
formel des décisions en vigueur, pour ainsi dire par peur du gendarme, mais la
responsabilité vis-à-vis de tout notre public. En tant qu’organisateurs, nous
savons que nous pouvions compter sur tous nos camarades pour assurer la tenue
de cette fête sans faire courir de risque sanitaire aux participants, en
appliquant toutes les mesures de protection nécessaires. Nous continuerons de
le faire pour toutes nos initiatives, à commencer par nos camarades d’autres
régions qui organisent dans cette même période des fêtes et banquets et qui
n’encourent pas jusqu’à présent d’interdiction.
Nous sommes en tout cas
déterminés à continuer nos activités politiques, à les élargir, avec les
adaptations nécessaires pour tenir compte de la pandémie. Cela est plus
indispensable que jamais dans la situation de crise, non seulement sanitaire,
mais économique et politique que nous connaissons.
Pour Lutte ouvrière, Michel
Rodinson, directeur du journal