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samedi 30 mars 2024

Russie : L’attentat et comment le pouvoir s’en sert

L’attentat et comment le pouvoir s’en sert

Le régime russe a décrété le 24 mars journée de deuil national, après la fusillade survenue deux jours plus tôt dans une salle de concert à la périphérie de Moscou. Son bilan, provisoire, était alors déjà de 137 morts et d’une centaine de blessés.

Il s’agit de l’attentat le plus sanglant en Russie depuis vingt ans, quand des séparatistes tchétchènes avaient pris en otages des enfants d’une école à Beslan, dans le Caucase. L’assaut de la police s’était soldé par 330 morts et 720 blessés. Ce carnage s’inscrivait dans les plans d’un régime dont Poutine avait pris la tête quatre ans auparavant : forcer l’opinion à soutenir un pouvoir dont la poigne de fer se présentait comme garante de l’ordre.

Depuis, le contexte a changé, mais pas la façon qu’a le régime de manipuler les faits et l’opinion. Peu après l’attentat du 22 mars, Poutine est intervenu à la télévision en se félicitant de l’arrestation de quatre suspects dans une forêt proche de l’Ukraine, affirmant que celle-ci s’apprêtait à leur donner refuge. Après quoi, la machine de propagande du Kremlin s’est mise en branle. Elle a martelé partout et sur tous les tons que l’attentat, organisé par l’Ukraine, avait les États-Unis pour instigateurs. Et cela, bien que les terroristes arrêtés soient tadjiks et qu’une branche de Daech ait revendiqué l’opération.

Bien malin qui peut trancher entre les dénégations des uns, les accusations des autres ou les aveux arrachés sous la torture, sans que l’on puisse même exclure que le Kremlin ait trempé d’une façon ou d’une autre dans cet attentat : ce ne serait pas la première fois qu’il instrumentaliserait un tel bain de sang.

Déchaînement sécuritaire

En tout cas, dans la foulée de Poutine, ses soutiens se sont déchaînés, dont des députés et l’ex-président Medvedev, pour réclamer la fin du moratoire sur la peine de mort. Décidé en 1996, quand la Russie d’Eltsine voulait se rendre respectable aux yeux de l’Occident, ce moratoire n’a jamais empêché que le pouvoir fasse exécuter des opposants. Il y a peu, Navalny l’a rappelé malgré lui. Et les vidéos des tortures infligées à un des terroristes ou les images des massacres opérés par la police lors de précédentes prises d’otages, sans oublier les récits de soldats revenus d’Ukraine, disent assez ce que vaut la vie pour le Kremlin et ses chiens de garde.

En hurlant à la mort, alors que la majorité de la population a été bouleversée par l’attentat, c’est aussi à elle que s’adressent les hommes de Poutine. C’est à toute la population qu’ils entendent montrer qu’ils ne reculeront devant rien pour défendre leur ordre, et les intérêts de la foule de bureaucrates et d’oligarques que le régime représente. Il s’agit de justifier par la situation le fait que le pouvoir resserre encore son emprise sur toute la société. Mais d’autre part, il s’agit de mettre en garde tous ceux qui, dans les couches laborieuses, voudraient s’opposer aux mesures drastiques sur le plan social que le pouvoir prépare, et bien sûr à une nouvelle mobilisation. Et, dans cette perspective, le régime a trouvé avec cet attentat un moyen de diviser les rangs de la classe ouvrière, alors qu’il va lui porter de nouvelles attaques.

Les migrants, montrés du doigt

Dès l’annonce faite que les terroristes avaient une origine tadjike, les autorités ont lancé la police sur les quartiers où résident des travailleurs venus de l’Asie centrale ex-soviétique. Prétextant que la branche du Khorasan (Asie centrale) de Daech a revendiqué l’attentat, les autorités ont présenté tous ces « migrants » comme des islamistes en puissance. La police a l’habitude de les rançonner quand ils n’ont pas de papiers en règle et, depuis des mois, elle effectue des rafles parmi eux en leur faisant le chantage « ou vous vous engagez dans l’armée russe, ou on vous expulse ». Elle sait donc avoir carte blanche pour pratiquer les pires exactions. Et cette ambiance n’a pu qu’encourager les auteurs d’agressions xénophobes qui se sont multipliées un peu partout. Dans de grandes villes comme Ekaterinbourg, capitale politique et économique de l’Oural, les employeurs des centres commerciaux ont été informés de devoir fournir à la police les coordonnées des « étrangers » qu’ils emploient. Comme effet immédiat, ils en ont renvoyé la plupart.

Ces migrants, qui il y a trente-trois ans avaient la même citoyenneté soviétique que les Russes, n’ont rien à voir avec le terrorisme de Daech : ils sont venus travailler en Russie pour échapper à la misère qui règne dans leur région d’origine et le Kremlin le sait bien. Mais il veut créer une psychose collective afin de souder derrière lui la population russe, tout en précarisant encore plus toute la partie déjà la plus exploitée du prolétariat.

Les médias et les politiciens du régime se répandent donc en propos du genre « Les Russes sont une seule famille », « Une famille dans la peine doit rester soudée ». C’est un mensonge car les oligarques, les bureaucrates dont le régime sert les intérêts appartiennent à une famille qui n’est pas celle des travailleurs ! Les bureaucrates ont pillé la Russie, les oligarques ont détruit le système soviétique pour s’en accaparer les richesses. Leur pouvoir a laissé partir à la dérive les plus pauvres des ex- républiques soviétiques – et le Tadjikistan est la plus appauvrie d’entre elles. Il a laissé les dirigeants locaux se transformer en potentats rapaces, sanguinaires, ouvrant des mosquées et fermant des écoles, des usines. Les populations de ces régions n’ont que le choix entre tenter de survivre dans une misère sans fond ou partir en Russie, et y devenir des travailleurs parias. Aux jeunes que ce choix révolte ou qu’il jette dans le désespoir, la mouvance islamiste offre des armes pour tuer, un moyen de survivre avant d’être tués à leur tour, et sans évidemment que cela offre la moindre issue à l’impasse infernale dans laquelle ils sont enfermés.

Quoi qu’en dise la propagande xénophobe du Kremlin, les travailleurs russes ont toutes les raisons de se sentir plus proches de leurs frères de classe venus de « l’étranger proche » que de leurs propres oppresseurs et exploiteurs, même s’ils ont comme eux un même passeport intérieur russe. L’État de Poutine, des bureaucrates et des oligarques, n’est pas le leur, il est leur pire ennemi. Et face à lui, les travailleurs ont tout intérêt à s’unir, par-delà leurs origines, pour défendre leurs intérêts, pour aller vers une société sans guerre ni oppression, ni misère, car ils l’auront débarrassée de cette classe d’exploiteurs.

                                           Pierre Laffitte (Lutte ouvrière n°2904)

 

Les prochaines permanences prévues à Argenteuil :

-Aujourd’hui samedi 30 mars : de 10 h.15 à 10 h.55 devant Monoprix ;

-et de 11 h à midi au marché de la Colonie ;

-Dimanche 31 mars : de 10 h.15 à 10 h.55, devant Intermarché du Centre ;

-de 11 h. à midi, marché Héloïse ;

--Lundi 1er avril : de 18 à 19 heures, centre cl des Raguenets à Saint-Gratien ;

-Mercredi 3 avril : de 11 h.30 à midi, marché des Champioux.

 

Toutes les semaines, l’hebdomadaire Lutte ouvrière est aussi en vente à la librairie Le Presse-papier et au Tabac-Presse du mail de la Terrasse du quartier du Val-Nord que nous remercions.

Terrorisme : l’impérialisme et ses élèves. Un article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière de cette semaine

Terrorisme : l’impérialisme et ses élèves

Publié le 27/03/2024

Les échos de l’attentat terroriste de Moscou, de ses 137 victimes, des blessés et des destructions ont été perçus dans le monde entier. C’était le but recherché par ses auteurs, l’attentat ayant été revendiqué par une branche de l’organisation de l’État Islamique (Daech) de façon assez crédible pour que l’ensemble des commentateurs lui attribuent ce crime.

Le gouvernement français a été particulièrement prolixe à ce propos. D’une part ses représentants ont multiplié les déclarations sur une menace qualifiée de « réelle » par Attal et « en augmentation » par les services policiers. D’autre part le ministre de l’Intérieur Darmanin a affirmé « qu’on n’avait jamais déjoué autant d’attentats en France », ce qui est invérifiable et peut ressortir de la pure vantardise, si ce n’est du marketing politique. Mais, bien sûr, les Jeux Olympiques de Paris pourraient être une cible de choix pour des terroristes, car Coca Cola, Nike et Heineken ne sont pas les seuls en quête de publicité mondiale.

La surenchère de la droite et de l’extrême droite a été au rendez- vous, Ciotti, le leader de LR, n’hésitant pas à qualifier le terrorisme islamiste de « principale menace qui pèse sur notre avenir ». On a évidemment entendu les diatribes habituelles contre les musulmans et l’immigration, comme après chaque attentat et comme, en fait, à toute occasion. Mais personne, dans le monde politique et les médias, n’a rappelé d’où viennent ces terroristes, de quelles guerres ils sont nés, qui les a financés, armés, éduqués et dans quel but.

Cette mouvance politique est née à l’occasion de l’invasion de l’Afghanistan par l’armée russe et de la guerre qui a suivi de 1979 à 1989. Les services américains ont alors armé et entraîné les groupes islamistes qui combattaient les troupes russes. Il s’agissait, d’après le gouvernement américain, de « saigner les Soviétiques ». Des chefs islamistes, pas moins réactionnaires ni moins terroristes que ceux d’aujourd’hui, étaient alors qualifiés de combattants de la liberté. C’est de leurs rangs que sont sortis Ben Laden, l’organisateur de l’attentat de New York du 11 septembre 2001, et les chefs talibans qui ont pris le pouvoir en Afghanistan et y font régner la terreur.

Les services américains et leurs alliés, éventuellement relayés par l’Arabie saoudite ou le Qatar, ont répété ce même genre d’opérations à de multiples reprises. Le Hamas, par exemple, qu’Israël prétend éradiquer aujourd’hui par sa guerre de terreur, avait été au départ favorisé par ses services pour faire pièce au Fatah, l’organisation nationaliste palestinienne laïque. L’organisation de l’État islamique elle-même a été utilisée, c’est-à- dire financée et armée, par le Qatar et la France ainsi que la Turquie pour combattre le pouvoir de Bachar al-Assad en Syrie, à partir de 2011. Puis, devant le développement incontrôlé de leur créature qui prenait pied dans toute la région, les armées occidentales sont intervenues, y compris en frappant la population civile, pour tenter de l’anéantir.

Dans leur lutte pour la domination, pour le maintien de l’exploitation des travailleurs de tous les pays dans les pires conditions, pour continuer leurs pillages séculaires, les pays impérialistes, propulsent, soutiennent et imposent des dictatures féroces. Ils encouragent pour cela les pires préjugés et s’appuient sur les tueurs en grand et en petit. Les groupes terroristes islamistes étaient au départ quelques-uns des chiens de guerre de cette meute. Le fait qu’ils se soient retournés contre leur commanditaire occidental n’est pas original. D’autres l’ont fait avant eux.

La situation actuelle, et tout d’abord l’horreur sans nom que subissent bien des peuples du fait de l’impérialisme, fait que ces groupes peuvent toujours trouver de nouveaux combattants y compris pour agir dans les métropoles occidentales. L’attentat de Moscou comme celui du Bataclan, celui du World Trade Center ou ceux qui ensanglantent régulièrement bien des pays musulmans sans qu’on en parle dans les pays occidentaux sont des crimes horribles. Quoiqu’en disent les politiciens réactionnaires, la pire menace pour l’avenir n’est pas cependant ce terrorisme islamiste aussi meurtrier soit-il, mais la survie du système impérialiste qui l’engendre et qui est capable de bien d’autres massacres et de bien d’autres destructions.

                                                Paul Galois (Lutte ouvrière n°2904)