La lutte
des cheminots est celle de tous les travailleurs
En lançant le 26 février son plan
d’attaque baptisé « pacte ferroviaire », le gouvernement a choisi
l’affrontement brutal avec les cheminots. Avec l’objectif de diminuer de 30 %
les coûts de fonctionnement de la SNCF sur leur dos, il souhaite garantir une rentabilité
élevée aux capitaux privés appelés à faire main basse sur le transport
ferroviaire.
Par le biais de l’hémorragie
permanente des effectifs, au rythme de 3 000
emplois supprimés chaque
année depuis trente ans, et l’intensification du travail, la SNCF a déjà considérablement dégradé les conditions de travail de ses salariés, tout en multipliant les recours à la
sous-traitance. Mais le gouvernement souhaite aller plus loin. Derrière la
suppression du statut des cheminots, il entend liquider toute garantie d’emploi
face aux licenciements collectifs, ainsi que les avancements liés à
l’ancienneté, alors que les salaires sont déjà bloqués depuis quatre ans.
Enfin, la réglementation du travail est directement visée. En effet, en cas de
perte de marché dans le cadre de l’ouverture à la concurrence à partir de 2019,
il souhaite imposer le transfert obligatoire des cheminots au secteur privé,
qui pourra imposer sa propre réglementation du travail très régressive. Et si,
pour des raisons tactiques, le gouvernement a provisoirement mis de côté la
suppression du régime spécial de retraite des cheminots, celle-ci est déjà
programmée pour 2019.
Il s’agit donc d’une attaque en
règle contre les conditions de travail et d’existence des 146 000
travailleurs de la SNCF. Mais les enjeux de cette bataille concernent l’ensemble du monde du travail. Macron souhaite
briser la résistance des cheminots, comme en leur temps Thatcher avait brisé
celle des mineurs britanniques en 1984-1985 et Reagan celle des contrôleurs
aériens en 1981 : en mettant au pas une fraction
réputée
combative, il s’agit de
dissuader l’ensemble de la classe
ouvrière de réagir. Alors que la croissance des profits ne repose plus sur
l’extension de la sphère productive, mais sur le recul permanent de la part des
richesses qui revient aux travailleurs, une défaite des cheminots ouvrirait la
voie à de nouvelles attaques contre les travailleurs. Elle encouragerait la
bourgeoisie à accélérer la destruction des maigres filets de protection
sociale, concédés dans une autre période, mais qu’elle juge aujourd’hui
obsolètes, car écornant son taux de profit.
C’est la raison pour laquelle,
dans la riposte qui, espérons-le, s’annonce, l’ensemble des travailleurs doit
se placer résolument dans le camp des cheminots. Non seulement par solidarité
mais pour l’avenir de leur classe sociale, sur les plans matériel et moral.
Plus que les discours et la
tactique des dirigeants syndicaux, c’est la gravité du plan d’attaque qui a
convaincu les cheminots de descendre massivement dans la rue jeudi 22 mars, à
l’appel des organisations syndicales. De plus, l’orchestration d’une grossière
campagne de calomnies dans les médias sur leurs prétendus privilèges a suscité
l’indignation générale dans les gares et ateliers. Les salariés ont été ulcérés
de servir de boucs émissaires à la dégradation, qui frise parfois l’abandon, du
transport ferroviaire : au quotidien, ils sont les
premières victimes des coupes dans les effectifs,
dans l’entretien des voies et du matériel roulant. Alors que, bien souvent, seul
leur dévouement a évité que des incidents ne tournent en
catastrophe, voilà qu’ils se trouvaient traînés dans la boue par les serviteurs
politiques ou médiatiques de la bourgeoisie !
Il est notable que, contrairement
aux mouvements précédents, une partie significative de la maîtrise et même de
l’encadrement a participé à la grève. Dans de nombreux endroits, des jeunes
cheminots participaient avec enthousiasme à leur première manifestation, à leur
première assemblée générale. Les travailleurs de la SNCF se sont donc emparés
de l’appel des syndicats à participer à la journée du 22 mars pour exprimer
leur refus de la réforme.
Jusqu’à présent, l’initiative est
entre les mains des directions syndicales, en particulier de la CGT, de loin la
plus influente à la SNCF. Mais, alors que l’offensive gouvernementale nécessite
une riposte massive et déterminée, l’attitude des directions syndicales ne
prépare pas une telle contre-offensive. Tout d’abord dans le discours. Alors
qu’en 1995 la CGT et FO réclamaient le retrait du plan Juppé, cette fois-ci la
CGT se contente de réclamer la prise en compte des propositions syndicales
d’une « autre réforme », contenues dans un rapport « Ensemble pour le fer », remis au Premier ministre. L’UNSA, qui, avec la CFDT, affiche pour l’instant son unité avec la CGT, a par exemple déposé un préavis
pour le 22 mars, se contentant de réclamer la sauvegarde des moyens syndicaux
lors de la mise en place des conseils économiques et sociaux (CSE) à la SNCF.
Autant dire que ces deux syndicats, qui ont déjà signé les précédentes
réformes, s’apprêtent à lâcher les cheminots dès qu’elles auront des garanties
sur leurs intérêts d’appareil.
En annonçant vouloir légiférer
par ordonnances, le gouvernement a montré à quel point son calendrier de trois
mois de discussions bilatérales avec les syndicats était bidon. C’est pourtant
dans ce marathon de discussions que toutes les organisations syndicales se sont
engouffrées, calquant leur calendrier de mobilisations sur celui du
gouvernement.
Ainsi, la CGT, l’UNSA et la CFDT
ont annoncé une grève « en pointillé », deux jours de grève tous les cinq jours du 3 avril au 28 juin,
soit au total 36 jours de grève répartis sur trois mois, au prétexte de construire une mobilisation « dans la durée », en prétendant
qu’il est aujourd’hui
impossible d’organiser une grève de
plus de quinze jours. Sud-Rail a, de son côté, finalement déposé un préavis de
grève reconductible à partir du 3 avril. Les 3 et 4 avril, les cheminots sont
donc appelés à la grève par l’ensemble des syndicats. Le même 3 avril, les
salariés des centres de déchets sont appelés à une grève reconductible par la
CGT. Ceux d’Air France seront aussi en grève ce jour-là.
Quels que soient les calculs de
leurs appareils syndicaux, les cheminots doivent s’emparer de ces deux journées
et être massivement en grève et mobilisés dans les assemblées et les piquets de
grève. C’est en effet le succès de ces premières journées de grève qui donnera
confiance aux travailleurs du rail dans leur capacité collective à se
mobiliser, à construire et à imposer une riposte à la hauteur de l’attaque.
28 mars 2018
https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2018/03/31/la-lutte-des-cheminots-est-celle-de-tous-les-travailleurs_106604.html
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