Lubrizol
: quand les capitalistes jouent avec nos vies
Depuis jeudi, les médias
enchainent les éditions spéciales pour rendre hommage à Chirac. Leur
fascination pour les hommes de pouvoir a fait passer le reste de l’actualité au
second plan, y compris l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen.
Il est encore trop tôt pour
connaître toutes les conséquences de cet accident chimique sur la santé
publique et l’environnement. Rappelons-nous qu’il a fallu trois mois pour
réaliser que l’incendie de Notre Dame de Paris avait engendré une pollution au
plomb dangereuse pour les riverains, les enfants en particulier.
Mais comme toujours, les
autorités minimisent les risques. Pendant l’incendie, le préfet, le maire de
Rouen et pas moins de quatre ministres se sont relayés pour rassurer la
population.
Tout en expliquant que les fumées
n’étaient pas toxiques, ils ont fait fermer les écoles d’une douzaine de
communes pendant trois jours. Ils ont demandé aux agriculteurs de suspendre
leurs récoltes et à la population de rester confinée. Il y a eu des problèmes
respiratoires et des maux de tête. La Seine a été polluée. La suie a recouvert
jardins, maisons, champs et animaux. Alors, on comprend l’angoisse des
habitants. Et cet énième accident a de quoi tous nous inquiéter.
L’usine Lubrizol, bien que située
à 3 km du centre-ville et entourée d’habitations, était répertoriée Seveso
« seuil haut ». Elle était donc censée faire l’objet d’une surveillance
renforcée et elle s’est avérée être une véritable poudrière.
Il y a en France 705 sites
industriels et chimiques classés à ce niveau de dangerosité, eh bien ce sont
705 AZF en puissance ! Car sur le fond, rien n’a changé depuis 2001 et
l’explosion de l’usine AZF à Toulouse qui avait fait 31 morts et 2500 blessés.
On sait désormais qu’AZF, la
filiale de Total, a explosé suite à une série de négligences. L’explosion a été
provoquée par le dépôt accidentel du contenu d'une benne de déchets à un
endroit qu’il ne fallait pas. Elle s’explique par le manque de contrôle, de
formation et de personnel qui est censé tout faire de plus en plus vite. Toutes
choses que l’on peut constater dans nombre d’entreprises aujourd'hui.
Ces usines font courir des
risques insensés aux travailleurs et à la population parce que la recherche de
profits finit toujours par prendre le pas sur la sécurité.
Les pouvoirs publics forcent-ils
les entreprises à être plus transparentes ? Donnent-ils les possibilités
légales aux travailleurs de signaler les manquements ? Lèvent-ils le
secret industriel ? Pas du tout ! Lorsqu’un incident survient, les
responsables politiques, voire la justice, sont toujours très compréhensifs.
L’usine Lubrizol n’en était pas à
son premier accident. En 2013, cette usine, qui appartient à un groupe
financier propriété du multimilliardaire Warren Buffet, a été à l’origine d’une
émission d’un nuage de gaz malodorant senti jusqu’en région parisienne et au
sud de l’Angleterre. Elle fut alors condamnée à 4000 euros d’amende pour
négligence… Un voleur de scooter pourrait être plus lourdement condamné !
Deux ans plus tard, elle a
déversé plusieurs milliers de litres d’huiles dans le réseau d’évacuation des
eaux pluviales. Eh bien, cela ne l’a pas empêché de décrocher en 2019 une
autorisation d’extension de ses activités !
Du scandale de l’amiante au
Dieselgate, en passant par le Mediator des laboratoires Servier et la Dépakine
de Sanofi, nous savons que le grand patronat n’a aucun scrupule à prendre le
risque de nous empoisonner, du moment que les profits sont là. Et comme
l’affaire du Mediator en témoigne, cela se fait souvent avec la complicité des
autorités et de ceux censés contrôler industriels et laboratoires.
Alors oui, il y a de quoi se
méfier des pouvoirs publics comme du grand patronat. Ils sont tous liés les uns
aux autres. Ils sont tous ô combien respectueux des intérêts des grands trusts
et de leur image, la planète dût-elle en crever !
Aujourd'hui à Rouen, des
habitants et des associations s’organisent pour demander des comptes et ils ont
raison. Mais là encore, c’est l’action organisée et collective des travailleurs
qui sera décisive.
Notre société utilise la chimie,
le gaz, le pétrole, l’énergie nucléaire. Mais ces activités dangereuses ne
doivent pas être soumises au profit privé. Les salariés de ces entreprises sont
capables de les contrôler et de les dénoncer en association avec la population
qui s’en préoccupe et se mobilise.
Oui, en plus de lutter contre le
grand patronat pour leurs salaires et leurs conditions de travail, les
travailleurs ont à combattre l’irresponsabilité de tout un système qui nous
menace en permanence.
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