Contre les cheminots, Macron a
choisi l’affrontement brutal. D’abord par l’ampleur de l’offensive, même si
celle-ci n’est pas nouvelle.
Année après année, suppression de
postes après suppression, les cheminots ont vu leurs conditions de travail se
dégrader. Ils ont vu la sous-traitance et la précarité s’étendre et leur charge
de travail augmenter, au nom de la compétitivité. Comme tous les autres
travailleurs, ils ont aussi dû reculer sur leurs droits à la retraite. Mais
Macron veut aller bien au-delà. En supprimant leur statut et en les obligeant à
être transférés aux opérateurs privés sous peine de mutation ou de
licenciement, Macron veut faire table rase de leurs droits.
Et il y a la méthode. En
recourant aux ordonnances, comme il l’a fait pour casser le code du travail,
Macron joue la provocation. En s’en prenant ainsi à une fraction du monde du
travail, qui a la réputation de se mettre en grève plus facilement, il veut
prouver à la bourgeoisie, d’un côté, et aux travailleurs, de l’autre, qu’il est
capable de balayer toute résistance ouvrière.
Dans ce bras de fer, ce ne sont
pas seulement les cheminots qui jouent gros, c’est aussi l’ensemble du monde du
travail. Pour nous tous, salariés et usagers de la SNCF, l’enjeu ne se limite
pas à la suppression de lignes secondaires et à l’augmentation des tarifs.
C’est aussi et surtout une question de rapport de force politique entre le
monde du travail et la bourgeoisie et son gouvernement.
La force des cheminots, leur
nombre, leur rôle essentiel dans la société et leur combativité ont toujours
été un facteur important de ce rapport de force global, une sorte d’arme de
dissuasion contre les politiques anti-ouvrières.
En 1995, les cheminots avaient
fait ravaler à Juppé non seulement sa réforme des régimes spéciaux de retraite
mais aussi une bonne partie de son plan contre la Sécurité sociale. Le souvenir
de cette défaite cuisante hante encore les politiciens.
Exactement comme Margaret
Thatcher l’a fait en Grande-Bretagne avec les mineurs en 1984, Macron veut, au
travers des cheminots, donner une leçon à l’ensemble de la classe ouvrière et
dégager la voie pour de nouvelles attaques : la suppression de 120 000 postes
dans la Fonction publique, le passage aux capitalistes de pans entiers des
services de l’État et une nouvelle casse des retraites.
Macron veut sa guerre contre les
cheminots. Il joue les fiers-à-bras et son arrogance s’exprime comme jamais.
C’est ce que font tous les boxeurs quand ils montent sur le ring. Une fois que
les coups partent, c’est une autre histoire. Juppé en 1995 ou même De Gaulle en
1968 ont fait l’expérience que, face à la force des travailleurs en grève, le
pouvoir est forcé de reculer.
Mais pour se lancer dans le
combat et le gagner, les cheminots ont besoin du soutien de l’ensemble des
travailleurs. Celui-ci commence par tordre le cou à toutes les âneries sur les
« privilèges » des cheminots. Être guichetier, manœuvre, chef de quai ou technicien
n’a rien d’une sinécure, pas plus que de conduire des trains en 3x8, les
week-ends, sans pouvoir rentrer dormir chez soi.
« Je ne peux pas avoir d'un côté
des agriculteurs qui n'ont pas de retraite, et de l'autre avoir un statut
cheminot et ne pas le changer », a déclaré Macron au Salon de
l’agriculture. Le gouvernement met tous les problèmes de la SNCF sur le dos du
statut des cheminots, et voilà qu’il serait aussi responsable de la situation
des paysans les plus pauvres ! Toute cette démagogie n’a qu’un but : diviser
les travailleurs.
Oui, en résistant, les cheminots
ont conservé certains de leurs droits. Comme n’importe quels exploités, ils ont
raison de se défendre contre la cupidité des futurs barons du rail.
Aujourd'hui, les cheminots n’ont
d’autre choix que de se préparer à la grève. Et pour vaincre, elle devra durer
le temps qu’il faut. Ce n’est une partie de plaisir pour personne, et sûrement
pas pour les usagers. Mais les problèmes qu’une telle grève posera ne sont rien
en comparaison des reculs qui nous attendent tous si Macron et la bourgeoisie
ont les mains libres.
Il donc faut souhaiter que cette
mobilisation soit la plus large et la plus forte possible. Il faut souhaiter
que les cheminots se lancent dans le combat et qu’ils se battent avec la fierté
de ceux qui n’ont pas volé leur pain.
Et il faut tout faire pour qu’ils
ne restent pas seuls dans l’arène. Il faut que les cheminots reçoivent le
soutien moral et actif de tous. Pour que le monde du travail inverse la vapeur
contre le grand patronat, il faut que Macron subisse une défaite et ravale sa
morgue anti-ouvrière.
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