Après les
Journées de Juillet : le Parti bolchevique gagne en influence
Dans ses mémoires sur la
révolution d’octobre, Antonov-Ovseenko, bolchevik qui allait diriger la prise
du Palais d’hiver en octobre, décrit l’impuissance du gouvernement provisoire
et de ses calomnies à enrayer la progression des bolcheviks parmi les ouvriers
de la capitale.
« Le 13 juillet, le comité
exécutif [des soviets], essayant de tirer profit de la “défaite” des
bolcheviks en juillet, décide de lancer la campagne de réélection du soviet de
Petrograd, il prend également une résolution en faveur d’une obéissance
“inconditionnelle” à la majorité. Bien sûr, les bolcheviks votent contre. Mais
ils ne craignent pas de nouvelles élections, ils les veulent ! Dans la section
ouvrière du soviet, les nôtres sont déjà 400, ils ont déjà la majorité, alors
que deux mois plus tôt, ils étaient 65 !
Le 14 juillet, à l’usine
Langzippen, se tiennent des élections à bulletin secret. 840 voix pour les
bolcheviks, 215 pour les défensistes [les partisans de la défense
nationale, autrement dit de la poursuite de la guerre] ! Seuls des
bolcheviks sont envoyés comme délégués au soviet, alors qu’avant, ils se
partageaient pour moitié avec les défensistes.
Quelques jours plus tard, c’est
une victoire pour nous à l’usine Franco-Russe dans le quartier des forges de
Poutilov (…). Les ouvriers de l’usine, hier encore à moitié défensistes,
s’expriment ainsi : “Les travailleurs de l’usine Franco-Russe
nourrissent les plus grandes inquiétudes pour le sort de la révolution, pour
toutes les conquêtes de la classe ouvrière et de l’armée révolutionnaire. La
révolution est en danger. Le couteau est déjà sur elle, et seuls les efforts conscients
du prolétariat, uni avec l’armée révolutionnaire, pourront la sauver et assurer
son développement ultérieur dans l’intérêt des classes laborieuses. Camarades !
La contre-révolution, en d’autres mots tous les acolytes d’hier et les
partisans de Nicolas le sanguinaire [le tsar Nicolas II] et de sa
politique de voleur, s’organisent, se préparent, essayent déjà de s’emparer du
pouvoir pour étrangler la révolution.” »
L’enseigne de vaisseau
Illine-Genevski, membre de l’Organisation militaire bolchevique qui mène
l’agitation au sein de l’armée, raconte pour sa part comment lui et quelques
camarades réussissent à trouver une imprimerie pour faire reparaître un
journal, le précédent ayant tout juste été interdit par le gouvernement : «
Je me souviens de l’intérêt et de l’émotion avec laquelle nous lançâmes le
premier numéro de L’ouvrier et le soldat. Notre nouveau journal avait
pris ce titre. La libre parole bolchevique renaissait sous nos yeux. Nous
reconquérions de haute lutte une position perdue. Nous anticipions avec plaisir
la joie des ouvriers et des soldats quand ils retrouveraient le lendemain leur
journal chez le marchand. »
Un comité d’officiers de son
propre bataillon inculpe Genevski, mais n’ose pas l’arrêter : « J’eus
bientôt la preuve (...) que mon arrestation eût indigné nos hommes. D’abord, le
comité du bataillon, élu par les soldats, en appela de la décision du comité
des officiers et exigea mon retour au bataillon. Ensuite, je devins le candidat
perpétuel des soldats à toutes les élections. Je fus tout d’abord élu
vice-président du tribunal du bataillon, puis vice-président du comité du
bataillon et enfin député du bataillon au soviet de Petrograd. »
Dans L’Avènement du
bolchevisme, écrit début 1918, Trotsky résume ce retournement de la situation
en faveur du parti : « Le désarroi qui avait gagné les quartiers ouvriers ne
dura pas et céda rapidement la place à une montée du flux révolutionnaire, non
seulement parmi le prolétariat mais au sein de la garnison de Petrograd. Les
conciliateurs avaient perdu toute influence et le bolchevisme, telle une vague,
commença à se propager à travers tout le pays à partir des centres urbains et,
déjouant tous les obstacles, il pénétra dans les rangs de l’armée. Le nouveau
gouvernement de coalition dirigé par Kerenski s’engageait déjà ouvertement dans
la voie de la répression. Le cabinet des ministres rétablit la peine de mort
pour les soldats. On fermait nos journaux, on arrêtait nos agitateurs, mais
cela ne faisait qu’accroître notre influence. »
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