Goodyear :
une condamnation scandaleuse
Deux ans après les faits, le
tribunal correctionnel d’Amiens a condamné huit ex-salariés de l’entreprise
Goodyear de la ville à 24 mois de prison dont neuf fermes. Ils étaient jugés
pour avoir retenu dans l’usine le directeur de la production, ainsi que le DRH
de l’usine, pendant trente heures, les 6 et 7 janvier 2014. Le 6, les deux
hauts cadres avaient organisé une réunion et annoncé le démantèlement à court
terme de l’usine de pneumatiques, et la perte de leur gagne pain pour les 1 143
salariés de l’entreprise – et donc pour de nombreux autres dépendant des
entreprises sous-traitantes.
Aujourd’hui la majorité des
ouvriers n’a pas retrouvé de travail. Mais cette violence là n’est pas
condamnable pour le gouvernement et la justice.
Avoir retenu dans les locaux de
l’usine une nuit ceux qui venaient leur annoncer avec cynisme, après leur avoir
fait miroiter pendant des années des solutions, qu’ils étaient jetés à la rue,
c’est cela qui serait criminel. « Ceux qui sont responsables de la perte de
milliers d’emplois ne sont pas jugés », dénoncent les ouvriers condamnés.
Qui plus est, les deux cadres
avaient immédiatement renoncé à des poursuites et les patrons de Goodyear
eux-mêmes avaient retiré leur plainte en application de l’accord de fin de
conflit signé avec les syndicats. C’est le ministère public – et derrière lui
le gouvernement – qui a décidé de maintenir les poursuites et de réclamer de
lourdes peines. Le procureur d’Amiens avait argumenté, prétendant ne pas «
tolérer, dans un État de droit, même dans un tel contexte social difficile »,
que les salariés se rendent « justice eux-mêmes ».
Il y a deux ans, lors des faits,
le responsable de la CGT Mickael Wamen dénonçait « l’ensemble des pouvoirs
de l’État à la disposition de Goodyear ». Les CRS sont durement intervenus
lors des manifestations tandis que ses politiciens ont fait de fausses
promesses destinées à lanterner les travailleurs. Arnaud Montebourg qui, après
avoir promis sur le parking de l’usine avant les élections présidentielles, «
l’interdiction des licenciements boursiers », exhortait, une fois ministre,
les ouvriers en lutte et la CGT à « mettre de l’eau dans son vin ». Les
politiciens socialistes locaux, journalistes, autres syndicalistes ont pendant
des années dénoncé la section locale de la CGT, en lui faisant endosser la
responsabilité des licenciements, due selon eux à son intransigeance.
En réalité, ce sont les années de
mobilisation des 1 143 salariés que l’État entend lourdement sanctionner dans
ce procès, une mobilisation de la presque totalité des salariés qui fut
opiniâtre et vigoureuse. Depuis 2007, la direction a cherché en vain à imposer
une réorganisation du travail et des plans de licenciements. Une succession de
coups de colère, de grèves ponctuelles mais quasi totales avaient à chaque fois
incité la direction à de prudentes retraites. Puis après l’annonce de la
fermeture les actions des ouvriers s’étaient multipliées. Leur volonté de ne
pas baisser la tête face aux licenciements a marqué les esprits dans la région
et au-delà. C’est cela que les patrons par l’intermédiaire de l’État veulent
faire payer aux ouvriers de Goodyear.
Correspondant LO
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