Allemagne
: après les agressions, l’extrême droite à l’offensive
La nuit de la Saint-Sylvestre a
donné lieu à Cologne, Hambourg et dans d’autres villes allemandes à des
agressions, en particulier contre des femmes. Plus de 500 plaintes ont été
déposées à Cologne pour vols, violences et agressions sexuelles commis sur la
grande place du centre-ville devant la cathédrale et jusque dans la gare
centrale.
Des groupes de vingt à trente
hommes, apparemment organisés et fortement alcoolisés, après avoir lancé des
bouteilles sur la police et projeté des feux d’artifice sur la foule, s’en sont
pris surtout à des femmes, les isolant pour les dépouiller, leur voler leurs
téléphones portables et les agresser physiquement ou sexuellement. Parmi les
suspects interpellés le soir même par la police se trouvaient des demandeurs
d’asile syriens ou irakiens, des migrants sans papiers d’Afrique du Nord, mais
aussi un Américain et plusieurs Allemands.
L’extrême droite s’est
immédiatement saisie de l’émotion en faveur des victimes pour relancer sa
campagne contre les migrants et la politique jugée trop généreuse du
gouvernement envers eux. Elle s’en est prise d’abord à la police, l’accusant de
passivité et même de cacher l’origine des agresseurs, ce qui a abouti à la mise
en retraite anticipée du chef de la police de Cologne. Très vite, la campagne
de l’extrême droite a cherché à présenter les migrants comme des dangers
publics. Le porte-parole du parti d’extrême droite AfD a déclaré : « Les
migrants (…) sont très dangereux et démontrent leur absence de volonté
d’intégration », tandis que le mouvement islamophobe et xénophobe Pegida
appelait à une manifestation contre la politique d’accueil des réfugiés du
gouvernement Merkel, manifestation qui n’a en fait rassemblé que 1 700
personnes à Cologne samedi 9 janvier.
Une contre-manifestation avait
lieu au même moment, dénonçant l’amalgame fait entre criminalité et arrivée des
migrants, aux cris de « Les réfugiés sont les bienvenus » et « Nazis
dehors ! ». Quelques heures plus tôt, des centaines de femmes s’étaient
rassemblées sur les marches de la cathédrale de Cologne pour protester contre
les violences faites aux femmes, mais pas seulement au cours de la nuit du
Nouvel An : « Non à la violence contre les femmes, que ce soit à Cologne, à
la fête de la bière ou dans la chambre à coucher. »
Mais c’est pourtant bien toute la
politique d’accueil des migrants d’Angela Merkel qui est aujourd’hui mise en
cause, et de plus en plus ouvertement, au sein de son propre parti la CDU,
ainsi que par ses alliés du Parti social-démocrate (SPD) dans la coalition
gouvernementale. Alors que l’Allemagne a accueilli 1,1 million de réfugiés en
2015, que 3 000 à 4 000 nouveaux arrivants ont encore franchi la frontière
chaque jour depuis le 1er janvier, les réfugiés restaient largement perçus
comme des victimes, non seulement de la guerre au Moyen-Orient mais aussi des
agressions de l’extrême droite à leur arrivée. Ils échappaient jusqu’à
maintenant aux amalgames entre migrants et terroristes si largement répandus
par les politiciens en France. Ils sont désormais l’objet de toutes les
critiques.
La CDU, parti de la chancelière,
déjà ouvertement critique de sa politique d’accueil, réclame désormais la
multiplication des contrôles d’identité et des caméras de surveillance. Angela
Merkel, qui avait rejeté les demandes répétées des ténors de son parti de
limiter le nombre de réfugiés à accueillir en 2016, a dû faire des concessions.
Après avoir condamné des « faits criminels répugnants », elle a accepté
d’envisager le durcissement de la loi sur le refus du droit d’asile pour tout
demandeur condamné à une peine, même avec sursis, au lieu de trois ans de
prison ferme aujourd’hui. Pour ne pas être en reste, le président du SPD,
Sigmar Gabriel, en a rajouté, déclarant que toutes les possibilités du droit
international devaient être utilisées pour « renvoyer les demandeurs d’asile
criminels dans leurs pays d’origine ».
Les actes crapuleux auxquels une
part infime de migrants a pu participer deviennent le prétexte pour lequel plus
d’un million d’entre eux, et des centaines de milliers marchant vers
l’Allemagne, risquent de voir leur situation s’aggraver et de subir des
violences, comme les six Pakistanais violemment agressés à Cologne par des
inconnus dans la nuit de dimanche 10 à lundi 11 janvier. La pression des
courants les plus réactionnaires semble en passe de provoquer un durcissement
de la politique d’accueil en Allemagne, seule puissance occidentale qui jusqu’à
présent a accueilli un peu largement les migrants victimes des guerres du
Moyen-Orient et d’ailleurs.
Gilles BOTI
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