Le
gouvernement n’en a pas fini avec les grèves
Après 11 jours de grève et face
à un gouvernement décidé à passer en force, les cheminots sont en train de
reprendre le travail. Mais ils continuent de dénoncer, à juste titre, la
réforme ferroviaire qui sera sans doute adoptée ce mardi à l’Assemblée
nationale.
Les
députés du PS la voteront comme un seul homme. Ils prétendront même avoir «
entendu » les cheminots en adoptant les quelques amendements des députés
d’Europe écologie-les Verts et du Front de gauche.
Ces
derniers, à moitié dans l’opposition, ont affirmé que, grâce à eux, la réforme
est devenue meilleure et que les cheminots ont des garanties. Qu’ils votent
pour ou contre n’y change rien, ils ont déjà apporté leur soutien au
gouvernement.
Celui-ci
pourrait même trouver des voix jusque dans les rangs de droite. Autant dire que
le vote de cette réforme sera une formalité.
Mais
Hollande ne l’emportera pas au paradis. Face aux grévistes, le gouvernement
s’est montré aussi dur qu’aurait pu l’être un gouvernement de droite. Aussi
calomnieux et anti-ouvrier qu’il est servile et favorable au patronat.
Avec
les cheminots, le gouvernement a refusé toute négociation, traitant les
grévistes de « privilégiés » et « d’irresponsables ». Que l’on compare son
attitude à celle qu’il a eue, au même moment, vis-à-vis de Bouygues, vrai
privilégié s’il en est. Après un week-end de négociation sur le prix d’achat
par l’État de ses actions dans Alstom, le gouvernement lui propose un pont
d’or.
Bouygues
va encaisser plusieurs milliards d’argent public, alors même qu’il supprime
1500 postes dans la téléphonie, mais personne ne dira de lui qu’il « coûte cher
à la collectivité » ou qu’il « prend la population en otage » ! Il n’y aura pas
contre Bouygues, le déchaînement médiatique qu’il y a eu contre les cheminots.
Les
stars de la télévision ont feint ne pas comprendre les motifs de la grève des
cheminots. Mais ils se sont bien gardés de leur donner la parole ! Et du haut
de leurs 10 000 à 20 000 euros mensuels, ils ne se sont pas gênés de faire la
leçon à des travailleurs payés dix fois moins.
Dans
cette grève, les grands médias comme le gouvernement sont apparus pour ce
qu’ils sont : la voix de leur maître, la voix du grand patronat, hostile et
hargneuse contre tous ceux qui contestent leur système.
La
grève des cheminots les a enragés ? Oui, et c’est à l’honneur des grévistes qui
ne se sont pas laissés impressionner. Envers et contre tout, les cheminots ont
fait valoir leurs droits de travailleurs. Ils ont affirmé qu’ils n’étaient pas
corvéables à merci et qu’ils n’accepteraient pas que l’on touche à leurs
salaires ou à leurs repos. Ils peuvent en être fiers.
La tête
haute, ils ont rappelé à tous les travailleurs cette vieille leçon : « qui ne
se bat pas est sûr de perdre ». Le rapport de force n’a pas suffi pour faire
reculer le gouvernement mais ils ont choisi le seul moyen pour peser sur la politique
du gouvernement : les manifestations et la grève. Leur combativité force le
respect.
Quant
au gouvernement, il n’en a pas fini avec les cheminots. Comme il n’en a pas
fini avec les travailleurs dans leur ensemble. Les cheminots ont été le premier
gros contingent à se battre cette année. Dans le spectacle, les intermittents
continuent leur combat. Mais il y en aura encore d’autres, car ni le patronat
ni le gouvernement ne nous laissent d’autre choix.
Dans le
privé, on ne parle pas de « réforme » mais de « plans de compétitivité ». À La
Poste, on parle de « réorganisation », dans les hôpitaux de « restructuration
», dans les collectivités locales de coupes budgétaires, avec les mêmes reculs
sur les conditions de travail, l’emploi et les salaires.
Qu’on
soit cheminot, ouvrier ou employé, on ne peut pas accepter que sa vie soit
foutue en l’air pour une minorité richissime. On ne peut pas accepter de
sacrifier l’avenir de ses enfants pour que la dette soit payée aux banquiers,
alors même qu’ils menacent toute l’économie par leurs spéculations.
Si l’on
ne veut pas se résigner au chômage de masse, à la généralisation du SMIC ou du
RSA, il n’y aura pas d’autre choix que se battre. Mais cette lutte, il faudra
la mener ensemble. Il faudra trouver le chemin d’une lutte réunissant les
salariés du privé et ceux du public, ceux en CDI et ceux en CDD ou
intérimaires.
Dans
cette jungle qu’est la société capitaliste, on ne se fait respecter qu’en
montrant sa force et la force des travailleurs est intacte. Elle réside dans le
fait que rien ne peut se faire, les voitures ne peuvent être fabriquées, les
spectacles ne peuvent se tenir et les trains circuler sans que les travailleurs
le veuillent. S’ils en prennent pleinement conscience, ils peuvent utiliser
cette force pour imposer leurs exigences vitales.
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