Tortures en Algérie - Des
exactions dénoncées dans les années soixante : des livres qui témoignent
"La Question" d’Henri
Alleg - "La torture dans la République (1954-1962)" Pierre
Vidal-Naquet - "Le peuple algérien et la guerre" de Patrick Kessel et
Giovanni Pirelli - "Les harkis à Paris" et "Ratonnades à
Paris" de Paulette Péju - "Le désert à l’aube" de Noël
Favrelière.
Dans La Question, un livre paru
en 1958, enpleine guerre d’Algérie, Henri Alleg, militant communiste, directeur
d’Alger républicain, un journal interdit en septembre 1955, témoignait des
tortures qu’il avait subies durant sa détention dans l’une des geôles
clandestines de l’armée française à Alger, alors sous contrôle de la 10e division
parachutiste du général Massu. Accusant nommément les responsables militaires
de torture, le témoignage bouleversant d’Henri Alleg provoqua un choc dans
l’opinion publique et suscita un scandale dans la presse française et
internationale.
Dans son étude historique La
torture dans la République (1954-1962), parue au lendemain même de la guerre
d’Algérie, Pierre Vidal-Naquet dénonçait également la torture pratiquée par la
police et l’armée. S’appuyant sur des informations précises (qui n’ont jamais
fait l’objet d’aucun démenti), l’auteur mettait en évidence dans son livre
l’enchaînement qui amena le gouvernement socialiste de l’époque à s’engager
dans la guerre, à y intensifier la répression et à signer un chèque en blanc à
l’armée en Algérie. Dès 1955, l’état d’urgence fut instauré sur l’ensemble du
territoire algérien. Cela allait laisser libre cours à la soldatesque,
désormais débarrassée des contraintes d’une légalité qui, de toute façon, ne
s’y était guère appliquée jusqu’alors.
Sous les ordres du général
Massu et du colonel Bigeard, les militaires torturaient, massacraient les
Algériens qui combattaient (ou étaient suspectés de combattre) pour
l’indépendance de leur pays. Ces militaires français étaient couverts au plus
haut niveau de leur hiérarchie, mais aussi par les hommes politiques au
pouvoir, de Robert Lacoste en poste en Algérie à Pierre Mendès-France, Edgar
Faure, Max Lejeune, Guy Mollet, François Mitterrand qui étaient ministres.
Le livre de Vidal-Naquet met en
évidence la responsabilité du gouvernement, et y compris sa responsabilité dans
l’usage des pires moyens utilisés dans cette répression. Le silence et le
mensonge permanent étaient de règle de la base au sommet de l’Etat, du planton
au ministre en exercice. Le système de la torture se développa à l’ombre et
avec la complicité du pouvoir politique.
Patrick Kessel et Giovanni
Pirelli publiaient, eux, dès 1963 dans Le peuple algérien et la guerre, aux
éditions François Maspero, des centaines de témoignages, de lettres, de
plaintes de militants algériens torturés par l’armée en Algérie, d’ouvriers ou
d’étudiants algériens victimes des sévices de la police française dans la
capitale, sans oublier les appels des internés dans les camps en Algérie, etc.
René CYRILLE
("La torture dans la
République" de Pierre Vidal-Naquet, "La Question" d’Henri Alleg,
sont publiés, aujourd’hui, aux Editions de Minuit. "Le peuple algérien et
la guerre" de Patrick Kessel et Giovanni Pirelli, depuis longtemps
introuvable, peut se consulter en bibliothèque.)
RATONNADES A PARIS précédé de
LES HARKIS À PARIS de Paulette Péju (Ed. La Découverte, 59 F)
Paulette Péju, journaliste,
écrivit ces deux petits livres dans l’urgence. Ils furent immédiatement saisis
par la police dans les locaux de l’imprimerie. Ils témoignent des méthodes
mises en oeuvre à Paris sous les ordres du préfet de Police Papon contre la
population d’origine algérienne pour tenter de détruire l’organisation du FLN
implantée en son sein. Méthodes qui n’avaient rien à envier à celles de Bigeard
et de Massu en Algérie.
A. V.
LE DÉSERT À L’AUBE de Noël
Favrelière (Edition de minuit : 89 F)
Noël Favrelière, rappelé en
1956 dans un régiment de parachutistes, déserta quelques semaines après son
arrivée en Algérie. Il sympathisait déjà avec la cause du peuple algérien. Ses
années de service militaire passées là-bas lui avaient fait comprendre la
misère dans laquelle vivait celui-ci, et prendre conscience de l’oppression
coloniale.
Lorsqu’il fut renvoyé en
Algérie en juillet 1956, Noël Favrelière y vit les jeunes rappelés entraînés
par leurs officiers à pratiquer les exécutions sommaires et à violenter la FLN
dont il avait la garde, le sauvant d’une mort certaine et à partir avec lui.
Fuyant dans le désert la nuit, se cachant le jour, tous deux rejoignirent les
maquis de la frontière tunisienne, où Noël Favrelière combattit aux côté du
FLN.
Publié en 1960, ce livre, où
Noël Favrelière raconte comment il quitta l’armée française pour passer du côté
des combattants algériens, fut saisi une semaine après sa parution, et interdit.
Il était, et reste encore, le témoignage de ce que les gouvernements qui
menèrent la sale guerre d’Algérie firent subir à la population de ce pays, mais
aussi aux soldats envoyés là-bas pour la réprimer
D.M.
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