En prenant le chemin de l’Angleterre en juin 1940,
De Gaulle choisit d’opposer une autre voie pour la bourgeoisie française que
celle de Pétain et de la collaboration avec l’Allemagne nazie. Pour cela, il
allait finir par s’appuyer sur le Parti Communiste, ce qui lui permit de
l’emporter. Il avait compris les services
que la politique d’union nationale du PCF était capable de lui rendre
dans la tâche qu’il s’était fixée.
Son représentant, Jean Moulin, réussit² en mai 1943 à fédérer l’ensemble des
organisations de résistance, y compris celles liées au Parti Communiste
Français, au sein du « Conseil National de la Résistance ».
Cette politique amena à de Gaulle le soutien de la résistance intérieure.
Certains
nous diront que le PCF n’a certes pas mené une politique révolutionnaire, mais
qu’il a au moins choisi le moindre mal, parce qu’il valait mieux de Gaulle que
Pétain, parce qu’il valait mieux la domination américaine sur le monde que
celle de l’Allemagne hitlérienne, et qu’il reste au moins de la « Libération »
des « acquis sociaux ».
Et c’est vrai que la « Libération »,
comme ils disent, ce fut le retour à la plupart des libertés démocratiques, et
que pour des milliers de juifs, pour tous ceux qui défendaient des idées qui
n’étaient pas celles du régime de Vichy, ce fut enfin la possibilité de vivre
sans se dire chaque jour qu’ils ne seraient peut-être plus libres le lendemain.
Mais pour
ceux qui voulaient défendre les intérêts des travailleurs, n’y avait-il pas un
autre choix que cette question pipée : de Gaulle ou Pétain ?
Car la
remise en selle de l’État français à laquelle le Parti Communiste Français
participa, la reconstruction de cette armée qui permit à la bourgeoisie
française d’être présente dans le camp des vainqueurs, ce fut aussi la
possibilité donnée à cette même bourgeoisie, avec la bénédiction des mêmes
politiciens dits de gauche, de poursuivre ses exactions coloniales.
Et où
était-il le retour aux libertés démocratiques pour les milliers d’Algériens
bombardés, mitraillés, fusillés, à Sétif en 1945 ? Pour les Malgaches dont
les aspirations à la liberté furent sauvagement réprimées en 1947, pour les
Indochinois qui durent supporter pendant des années une guerre commencée par
les Leclerc, les Thierry d’Argenlieu, les de Lattre, les fameux « héros »
français de la « croisade des démocraties contre le fascisme » ?
Pour les peuples des ex-colonies françaises d’Afrique qui n’ont échangé après
1958 la dictature coloniale et le travail forcé que contre des dictatures
autochtones mises en place sous la protection de l’armée française ?
Quand à ces « acquis sociaux » de cette période 1944-47 dont
le PCF tire tant de fiertés, ce n’était, dans le meilleur des cas, qu’une
maigre compensation pour faire supporter aux travailleurs la continuation de
l’exploitation, des bas salaires et des rations de misère - la Sécurité Sociale
n’étant là que pour assurer le minimum de soins permettant de survivre, et le
reste un déguisement « social » pour des mesures indispensables à la
relance de l’économie capitaliste, comme les principales nationalisations de
l’époque.
Alors
oui, il y aurait eu pour un parti ouvrier en cette période terrible une autre
politique à mener, une politique qui aurait appelé les travailleurs à se
libérer, non seulement de l’occupation, mais du capitalisme. Une politique qui
leur aurait appris à reconnaître leurs pires adversaires, ceux de leur propre
pays, et à voir dans les ouvriers et les paysans sous l’uniforme de tous les
pays, leurs frères de classe.
C’est un
parti capable de mener une telle politique, quelles que soient les
circonstances, fidèle aux principes de l’internationalisme prolétarien, qu’il
nous faudra reconstruire, si nous voulons un jour échapper à ces hommes
politiques de la bourgeoisie capables de passer sans état d’âme de la
francisque à la rose au poing... et vice et versa s’il le fallait.
(D’après
le texte de l’exposé du Cercle Léon Trotsky du 7.10.94., brochure n°63 : Texte
intégral de l'exposé n°63 du 7 octobre 1994 : « De l’avant-guerre à l’après Seconde Guerre
mondiale : La « Libération » et la continuité de l’État français ». In extenso sur : Lutte-Ouvriere.org)
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