dimanche 23 mai 2021

Commune de Paris de 1871 : la hargne sanglante des bourgeois contre ceux qui allèrent « à l’assaut du ciel »

 

Vive la mémoire de la Commune

Il y a 150 ans, la Commune entrait dans sa dernière semaine d’existence. Notre journal consacre un article à cette dernière semaine qui vit l’entrée des Versaillais dans Paris et qui allait amener une répression féroce et la fin de cette première insurrection ouvrière victorieuse de l’histoire. C’est cet article que nous vous proposons.

 

21-28 mai 1871, la Semaine sanglante : la république bourgeoise écrase le pouvoir ouvrier

19 Mai 2021

Le 21 mai 1871, deux mois après l’installation de la Commune, les troupes versaillaises entraient dans Paris et commençaient une semaine de reconquête militaire rythmée par l’élimination systématique de tous ceux ayant pris leur part dans le premier pouvoir ouvrier. Pour rendre le pouvoir à la bourgeoisie, le gouvernement de la IIIe République à peine formé faisait un bain de sang et transformait Paris en un monceau de ruines.

Dès le jour de son échec à désarmer les Parisiens, le 18 mars, le choix de Thiers, chef du gouvernement réfugié à Versailles, avait été de reprendre par les armes la ville aux insurgés. Pour lui, il s’agissait d’une guerre de classes. Il considérait les communards comme des « scélérats voulant abolir la propriété privée » inspirés par l’Internationale, de la « vermine des faubourgs, cosmopolite » et hostile au clergé.

« Il n’y a pas à pactiser avec l’émeute. Il faut la dompter, il faut châtier Paris », résumait le ministre des Affaires étrangères.

Alors qu’à Paris, au soir du 18 mars, le comité central de la Garde nationale réfléchissait à préparer des élections pour constituer la Commune, Thiers à Versailles préparait déjà la guerre. Dès le 20, les Versaillais commencèrent à occuper les forts autour de la capitale.

N’ayant au départ à sa disposition que des effectifs faibles et peu sûrs, Thiers fit feu de tout bois, enrôlant gendarmes et mouchards, négociant avec la Prusse pour qu’elle libère des soldats français faits prisonniers. L’armée de l’ordre bourgeois, en déroute et désunie au moment du soulèvement parisien, compta bientôt 130 000 hommes.

Nommé à la tête des armées versaillaises, le comte de Mac-Mahon se donnait comme mission de « purger la racaille ». Ce futur président de la IIIe République, représentant des « honnêtes gens », fut mandaté par les élus de la Chambre, monarchistes comme républicains, pour déchaîner ses soudards contre les forces mal organisées des prolétaires.

Au matin du 21 mai, par un beau dimanche de printemps, l’armée occupait Auteuil et Passy, avant de se déployer encore prudemment le lendemain dans les quartiers cossus de l’ouest de Paris.

Les troupes versaillaises se heurtèrent à la résistance des Parisiens, dressant partout des barricades. Mais ceux-ci furent bientôt submergés par la force organisée et le nombre des assaillants. Le soir du 22 mai déjà, la moité ouest de Paris était occupée.

Pour retarder les Versaillais passant par les immeubles pour contourner les barricades, les Communards y mirent parfois le feu. Certains lieux symboliques de l’ancien pouvoir exécré, le Palais de justice, la préfecture de police ou encore le palais des Tuileries, furent incendiés.

Le 23 Montmartre était pris, le 24, la Commune dut évacuer l’Hôtel de Ville. Des combats acharnés eurent lieu autour de la Butte-aux-Cailles, de la place du Château-d’Eau (aujourd’hui place de la République). Le 25 au soir, le pouvoir ouvrier ne tenait plus que le quart nord-est de la ville.

Le 27, après avoir pris les Buttes Chaumont, les Versaillais pénétraient dans le cimetière du Père-Lachaise transformé en champ de bataille. Le 28 en début d’après-midi, la dernière barricade était prise.

Lors de ce qui allait rester dans l’histoire comme la Semaine sanglante, au nom de l’ordre et de la loi des propriétaires, l’armée de la toute jeune république bourgeoise voulait faire un exemple en massacrant systématiquement les prolétaires insurgés. Dès le début de l’offensive versaillaise, les blessés furent achevés et les prisonniers exécutés à la baïonnette au pied des barricades. Le nettoyage des quartiers par des corps spéciaux fut systématique. Toute personne vêtue d’un bout d’uniforme fut collée au mur. Avoir les mains noires, des allumettes en poche ou une bouteille d’huile suffisait pour être passé par les armes. La terreur blanche s’abattait au hasard, n’épargnant ni les soignants, ni les enfants trop curieux, ni les égarés au milieu des ruines.

Il fallut bientôt évacuer les cadavres par tombereaux vers des fosses improvisées ou les jeter à la Seine. Paris devint un abattoir, et la chasse au prolétaire se poursuivit jusque dans les égouts, à l’aide de chiens. Il y eut du côté des communards 17 000 morts selon l’armée, mais peut-être 25 000 ou 30 000. Au lendemain des massacres, les services municipaux dénombrèrent 100 000 habitants en moins à Paris.

Plus encore qu’une reconquête militaire, il s’agissait d’une épuration consciente. Le gouvernement républicain voulait que l’ordre bourgeois soit restauré, et pour longtemps. Comme le résuma Emond de Goncourt, écrivain favorable à Versailles : « Une telle purge, en tuant la partie combative de la population, reporte la révolution pour une génération. » Thiers reçut pour cela les félicitations de toute l’Europe réactionnaire, du chancelier Bismarck au tsar de Russie en passant par l’empereur austro-hongrois.

Le jour même où la Commune prenait fin, Thiers déclarait : « Après la victoire, il faut punir. Il faut punir légalement, mais implacablement. »

Au bain de sang allait succéder la répression judiciaire de masse. En région parisienne placée sous état de siège, 26 conseils de guerre furent chargés d’appliquer une justice expéditive. Ceux qui avaient échappé aux exécutions formèrent des convois de prisonniers, acheminés d’abord à Versailles sous les crachats et les insultes de la bonne société rassemblée.

Les peines prononcées furent lourdes : emprisonnements, déportations, y compris en enceinte fortifiée, et parfois à vie. Une centaine de condamnations à mort furent prononcées. Les procès s’étalèrent sur quatre ans.

La Semaine sanglante révélait sans fard la face cachée des progrès de la « civilisation » bourgeoise. Devant la peur de perdre ses privilèges, ses prétendus principes de justice et valeurs universelles faisaient place à un carnage de masse. La bourgeoisie avait vu dans la Commune, malgré son isolement, malgré la modestie de ses mesures sociales, un danger mortel pour son système d’exploitation. Face à une ville ouvrière en armes et luttant pour la libération de toutes les classes opprimées, la république bourgeoise naissante se montrait dans toute sa barbarie.

Les massacres de la Semaine sanglante allaient rester comme une démonstration de tout ce dont est capable la bourgeoisie lorsque le prolétariat ose se lever contre son oppression. Face à elle, la classe ouvrière doit se donner tous les moyens de vaincre.

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