Méditerranée
: les migrants abandonnés
15 Avril 2020
Depuis le 6 avril, l’Alan-Kurdi
affrété par l’ONG allemande Sea-eye, seul navire humanitaire à poursuivre
encore les sauvetages de migrants en Méditerranée, est en mer avec 156
personnes à bord, migrants trouvés en grand danger sur des embarcations à la
dérive.
Deux opérations successives
avaient permis de les recueillir, après que les passagers avaient dû, en se
jetant à l’eau sans le moindre gilet de sauvetage, fuir les tirs venant d’un
navire sous pavillon libyen. Plus tard, l’Alan-Kurdi avait recueilli des
personnes en détresse qu’un pétrolier voisin avait refusé de sauver, arguant de
son obligation à demeurer en cas d’accident à proximité d’une plateforme
pétrolière.
L’équipage humanitaire et les
migrants, originaires du Bangladesh, de Syrie, du Tchad et du Soudan, dont
certains en état de choc ou d’hypothermie, attendent à présent d’être autorisés
à débarquer. Malte et l’Italie ont déjà fait connaître leur refus, motivé par
des « urgences de santé publique dans leur pays ». Néanmoins, le 10
avril, les autorités de La Valette ont secouru, puis placé en quarantaine, les
67 passagers migrants d’une embarcation. D’autres auraient appelé à l’aide par
téléphone, mais sont-ils parmi ceux qui ont pu accoster le 12 avril à Pozzello,
au sud de la Sicile, ou ont-ils péri en mer, comme plusieurs ONG le
redoutent ? Les responsables de la protection civile italienne affirment
en tout cas que des structures de quarantaine vont être installées pour y
confiner ces réfugiés, avant de leur appliquer « les procédures
habituelles ».
Car pendant que l’Alan-Kurdi
était en réparation, sans qu’aucun autre navire humanitaire ne patrouille, des
centaines de personnes ont continué à tenter la traversée, fuyant leur sort de
damnés et les garde-côtes libyens, qui leur promettent à coup sûr un autre
enfer. Des ONG chiffrent à 85 % le pourcentage de migrants déclarant avoir
subi des actes de torture en Libye durant les sept dernières années.
Dépendant du bon vouloir des
navires de commerce ou de pêche qui croisent dans la zone, et menacés de
sévices d’État, de passeurs ou de truands en Libye, les femmes, les hommes, les
enfants qui fuient la misère et la guerre sont avant tout abandonnés par la
politique inhumaine des puissances capitalistes qui ferment leurs frontières,
et livrés aux termes d’un accord financier sordide aux sbires libyens, et cela
bien avant l’épidémie.
Viviane LAFONT (Lutte ouvrière
n°2698)
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