samedi 4 avril 2020

Clinique privée : Journal d’un aide-soignant vacataire nouvellement embauché dans une clinique privée d’Ile de France


Il faut avoir le moral pour un salaire de misère


1ère journée :

J'ai commencé mes vacations Lundi matin dans un service de médecine interne. De mon domicile à la clinique, c’est très rapide, car il n’y a personne sur la route.
         Dans ce service, pratiquement toute l'équipe est en arrêt à cause du virus ! J’ai été très vite mis dans le bain ! Dès le matin on nous annonce aux transmissions qu'il y a eu trois décès dans la nuit ! La chambre mortuaire étant pleine, les patients sont encore dans leur chambre ! Ils y sont restés jusqu'à 16h00. Décédés seuls, sans aucun accompagnement ni même visite de la famille, Covid oblige…  
         Je suis accueilli par une infirmière et deux élèves aides-soignantes.
         Le service est plein. Il y a plusieurs patients infectés.
         L'infirmière a un sachet avec quelques masques FFP2 qu’elle distribue au compte-goutte : 1 pour la journée, pas plus !
         Une cadre passe tous les jours déposer les masques dans le service.
         Une sur-blousse pour la journée. Ce sont les deux élèves qui me prennent en charge et m'expliquent le fonctionnement du service.
         Il y a du travail en pagaille, les repas, les toilettes, les commandes à ranger, les aides aux collègues, faire informatiquement les commandes des repas des patients, et surtout faire les transmissions informatiques. La journée est bien remplie.
         L’ambiance est vraiment bizarre. On sent que les patients sont angoissés. Ils posent beaucoup de questions, et l'impression d’une chape de plomb sur la clinique. Les soignant sont hyper stressés, inquiets, et surtout ont peur de se choper le virus.

2ème journée

Je suis dans le même service que la veille. Le stress est palpable ce matin. Les soignants apprennent que plusieurs patients sont infectés. Du coup, il y a 4 patients en plus des 5 déjà infectés du Covid, soit 9 patients.
         Miracle, ce matin nous étions 8, 2 aides-soignants, 2 élèves AS, 1 étudiante IDE, 1 étudiant en  médecine , 2 infirmières .
         Franchement, quand il y a du personnel, tout va bien.

3ème journée

Aujourd'hui ça se corse. Je suis dans un service spécial COVID 19, une aille complète avec 12 patients infectés sur 25.
         Plusieurs patients sont en train de mourir seuls dans des chambres à deux patients. Je m'explique. Souvent, les patients en fin de vie sont installés seuls dans une chambre. Vu le contexte, pas d’accès à une telle chambre. Du coup, ils meurent dans une chambre avec un autre patient conscient. C 'est hallucinant.
         Un patient m’a supplié de demander au médecin de le transférer en réanimation. Ça fait vraiment mal au cœur de vivre cette situation.
         Pas de chance aujourd’hui, nous ne sommes que deux aides-soignants pour un service de 25 patients.  La cadre de santé est venue nous passer de la pommade dans le dos, mais elle n’a trouvé personne pour nous aider…
         Nous avons dû faire le choix de faire le minimum de toilette.  Même en faisant ce choix, nous avons été en retard pour distribuer le repas du midi ! Ce jour-là même, certains patients n’ont eu aucune toilette !
(Petite douceur d’une pizzéria qui a offert des pizzas au service COVID 19 et à d'autres services de la clinique)
         Franchement c'était une journée super galère.
         Cerise amère sur le gâteau si l’on peut dire. Vers 19h30, 2 cadres hygiénistes, 1 cadre sup, 2 cadres de la direction du siège de la clinique sont venus nous expliquer comment se servir de masques, des gants, des sur-blouses, et des sur-chaussons, tout en nous confirmant que nous n’aurions qu'un masque ffp2 par jour ! Qu'il fallait se laver les mains à chaque fois que l'on sortait des chambres, mettre les tabliers en plastique pour faire les toilettes… Bref, tout cela on le sait depuis 20 ans !
         À la fin de cette pseudo réunion qui s'est tenue dans un couloir, les deux cadres de la direction du siège ont menacé tous les paramédicaux (aides-soignants, infirmiers, agent de service hospitalier, vacataires) de sanction lourde s’il y avait manquement aux directives de la direction.
         A partir de samedi, j'attaque mes vacations dans le service de réanimation (14 vacations).
          J'ai oublié : pas de vestiaire pour les vacataires. je me change dans les toilettes du public.
         Je suis payé en tant que vacataire, je travaille 12 heures par jour.
         La moyenne pour un aide-soignant, c'est environ 115 euros la vacation de douze heures. Moins de 10 euros par heure.

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