Algérie :
face à la mobilisation, le chef de l’armée se pose en sauveur
24 Avril 2019
Mardi 16 avril, le chef
d’état-major de l’armée algérienne Gaïd Salah a accusé l’ex-chef des services
de sécurité d’être à l’origine de la répression contre les manifestations à
Alger et a aussi annoncé l’ouverture d’enquêtes pour corruption.
Gaïd Salah a également fait
procéder au limogeage de généraux, à des mouvements de préfets, à l’arrestation
de patrons accusés de corruption. Parmi eux on trouve Issad Rebrab, l’homme le
plus riche du pays. Gaïd Salah veut ainsi se donner l’image d’un protecteur du
mouvement populaire qui voudrait répondre à ses aspirations.
Vendredi 19 avril, les
manifestants toujours aussi nombreux lui ont répondu aux cris de « Sorry,
Sorry, Gaïd Salah, on n’est pas des cons. Dégagez, ça veut dire
dégagez ! ». Dans la rue principale d’Alger, accrochée à la façade
d’un immeuble, on pouvait lire sur une immense banderole : « Vous
possédez le Parlement, nous, nous avons tout le reste du pays, 2,3 millions de
km2. Partout où vous irez, vous nous trouverez. »
En effet, la mobilisation ne
faiblit pas et les multiples colères non plus. À Alger, l’effondrement d’un
immeuble de la Casbah tombant en ruines a suscité la colère des habitants. En
plus des blessés, deux personnes dont un enfant ont trouvé la mort. Le wali
(préfet) d’Alger, venu sur les lieux, a été chassé par les habitants. Ils lui reprochent
le manque de moyens pour l’entretien de la Casbah, pourtant classée au
patrimoine mondial par l’Unesco.
Après l’annonce à la télévision
que l’ex-Premier ministre Ouyahia était convoqué par la justice, un
rassemblement s’est improvisé devant le tribunal. Les manifestants munis de
pots de yaourt ont attendu celui qui, pour imposer son plan d’austérité, avait
dit : « Le peuple peut se passer de yaourt. »
À Constantine, des travailleurs
de Sonelgaz, la compagnie nationale de l’électricité et du gaz, ont quant à eux
chassé le ministre de l’Énergie Mohamed Arkab, au cri de « Vous avez volé
le pays, voleurs ! » Mais comme le disait un travailleur, « La
mafia ce n’est pas seulement là-haut, c’est aussi ici dans l’usine ». Il
désignait les directeurs, les patrons, et aussi les bureaucrates syndicaux.
De son côté, le dirigeant du
syndicat UGTA Sidi Saïd est accusé d’avoir cautionné la politique antiouvrière
du pouvoir : les plans d’austérité, le blocage des salaires, les attaques
contre les retraites et le Code du travail. Aussi, mercredi 17 avril devant le
siège de l’UGTA, de nombreux travailleurs se sont rassemblés pour exiger son
départ.
Répondant à des appels à la grève
lancés sur les réseaux sociaux, les travailleurs communaux de nombreuses villes
sont en grève. Ceux de la poste et des télécoms, en grève depuis une semaine
dans tout le pays, réclament qu’on leur verse le salaire qui leur est dû.
Le ramadan doit commencer début
mai et Gaïd Salah espère sans doute que cela fera refluer la contestation. Mais
il agite aussi la menace du chaos économique tout en reprenant à son compte le
slogan des manifestants « Armée, peuple Frère Frère. »
La mobilisation en
s’approfondissant peut espérer gagner à elle les soldats du rang, mais
l’état-major de l’armée reste le pilier de cet ordre social injuste. Il sera le
cas échéant prêt à l’écraser. Pour les travailleurs qui sont la base de la
pyramide sociale, le combat ne fait que commencer.
Leïla
Wahda (Lutte ouvrière n°2647)
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