Nouvelles manifestations massives en
Algérie
Un manifestant : « Toute l’Algérie refuse
l’article 102. Les Algériens ne veulent pas être gouvernés par un système
pourri. Nous demandons qu’il parte, nous demandons au système de partir. »
Pour le
sixième vendredi consécutif, la population algérienne est de nouveau descendue
dans les rues à travers tout le pays, Un million de manifestants rien qu'à
Alger. Ils rejettent toujours Bouteflika, mais aussi l'ensemble du
« système » au pouvoir, ce clan qui s'accapare l'essentiel des
richesses du pays. Ils n'acceptent pas non plus les manœuvres du chef de
l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah qui a proposé d’appliquer l'article 102 de
la Constitution qui invoque l’incapacité d’un chef de l’État pour demander,
tardivement, que Boutleflika soit mis à l’écart.
Par ailleurs Haddad, patron des patrons et profiteur notoire, se sachant haï, a démissionné. Les milieux dirigeants reculent petit à petit face à la pression populaire, sans trouver de solution à la crise, mais sans vouloir lâcher leur parcelle de pouvoir.
Malgré ces manœuvres la mobilisation et la contestation s’élargissent, s’approfondissent.
Par ailleurs Haddad, patron des patrons et profiteur notoire, se sachant haï, a démissionné. Les milieux dirigeants reculent petit à petit face à la pression populaire, sans trouver de solution à la crise, mais sans vouloir lâcher leur parcelle de pouvoir.
Malgré ces manœuvres la mobilisation et la contestation s’élargissent, s’approfondissent.
Sur la situation en Algérie, également l’article de
notre hebdomadaire daté de mercredi.
Algérie :
la contestation populaire met le régime en crise
Vendredi
22 mars, malgré les intempéries qui ont touché de nombreuses régions d’Algérie,
des cortèges massifs ont de nouveau parcouru toutes les villes du pays.
Démarrée un mois plus tôt, le 22 février, la contestation, le hirak comme
l’appellent désormais les Algériens, ne faiblit pas.
Les
classes populaires rejettent en bloc le plan B du pouvoir, avec son report des
élections, sa conférence nationale et sa réforme de la Constitution. La
solution ne peut pas venir de ceux « qui ont volé les richesses du pays ».
Avec
les vacances scolaires, les Algériens ont manifesté en famille dans la joie,
mais avec toujours la même détermination. Ils exigent avec vigueur que le
« système dégage ! ». C’est un préalable, la méfiance envers les
politiciens est totale. Le nouveau Premier ministre, Bedoui, et son acolyte
Lamamra sont conspués. « Ni Bedoui ! Ni Lamamra ! Système
dégage ! » Nommé Premier ministre le 11 mars, Bedoui n’a toujours pas
réussi à former un gouvernement. Il aurait contacté près de 450 personnalités,
qui auraient toutes décliné la proposition d’un poste ministériel. « Si
ton téléphone sonne, ne décroche surtout pas, c’est sûrement
Bédoui ! », cette blague qui circule à Alger reflète l’impasse
politique dans laquelle se trouve le pouvoir.
Chaque
jour apporte son lot de politiciens et dirigeants qui retournent leur veste et
soutiennent un mouvement populaire qu’ils condamnaient la veille. Ces
ralliements et cet opportunisme sont vécus comme une marque de mépris
supplémentaire et ne font qu’accroître la volonté d’en finir avec le système
tout entier. Les manifestants crient : « On vous a dit Partez tous,
pas Venez tous ! Dégagez ! »
Le
ralliement le plus cynique et le plus spectaculaire est sans doute celui de
Ouyahia, dirigeant du RND, l’ex-Premier ministre détesté des Algériens, qui
agitait début mars la menace de la guerre civile et qui affirme aujourd’hui
comprendre et approuver le mouvement populaire. À l’intérieur de son parti,
Ouyahia fait face à une contestation de militants qui l’accusent de corruption
et veulent son départ.
Au sein
du FLN, de plus en plus de responsables lâchent le plan B du clan Bouteflika.
Son porte-parole, Khaldoun, s’en est démarqué : « Cette conférence
ne va pas régler le problème… Qui va mandater les participants ? La
conférence n’est plus valable. » Rappelé à l’ordre par certains
responsables, il a été suivi par d’autres, à l’image du maire FLN
d’Alger-centre, Bettache, naguère partisan acharné du cinquième mandat. Ce
dernier, pour justifier son ralliement, invoque ses origines populaires,
affirme vivre dans un quartier populaire et se lever tous les matins pour aller
travailler !
Un
autre soutien illustre aussi la crise que traverse le régime, celui du PDG de
la Sonatrach (Société nationale des hydrocarbures). Alors que le 10 mars la
direction de la Sonatrach avait menacé de sanction les travailleurs qui
s’étaient mis en grève contre le cinquième mandat, il salue aujourd’hui le
mouvement populaire : « La Sonatrach ne peut rester en dehors de
ce mouvement, en sa qualité d’entreprise citoyenne et de locomotive de
l’économie nationale. »
Face à
un puissant mouvement qu’ils sont pour l’instant incapables d’endiguer, les
partis de l’Alliance présidentielle, qui ont soutenu la candidature de
Bouteflika, se fissurent et s’entre-déchirent. Quant aux partis d’opposition,
des islamistes aux libéraux, discrédités eux aussi, ils tentent pour l’instant
sans succès de s’unir pour offrir une solution qui préserve les intérêts des
classes possédantes.
Quelle
sera la personnalité apte à diriger cette transition qu’ils tentent de mettre
en place ? Des noms circulent, comme celui de Bouchachi, avocat,
ex-porte-parole de la Ligue des droits de l’homme, que l’on voit dans les
manifestations d’avocats et de magistrats. La presse évoque comme autre homme possible
Liamine Zeroual, ex-officier, qui avait été élu président durant la décennie
noire.
L’armée
est restée discrète, jusqu’à ce que le général Gaïd Salah, ministre de la
Défense, qui avait menacé les manifestants le 7 mars, salue lui aussi le
mouvement populaire. Le 26 mars, il a finalement demandé la destitution de
Bouteflika, tentant ainsi de mettre fin aux manifestations. Reprenant leurs
mots d’ordre, il a déclaré : « Le peuple et l’armée sont
frères. »
Le
pouvoir n’a pour l’instant pas choisi de recourir à la répression, mais rien
n’exclut qu’il puisse le faire dans l’avenir.
Les
travailleurs, les classes populaires des villes et des campagnes, orgueilleux
de leur mouvement, soucieux de le préserver et de le faire aller de l’avant,
expriment de l’hostilité et de la méfiance vis-à-vis de tous ceux qui veulent
parler en leur nom. Cette méfiance est plus que légitime. Un véritable
changement de système ne pourra venir que d’eux.
Après
l’annonce du 26 mars, un nouveau slogan est apparu : « Bouteflika, puisque
tu t’en vas, ammène Gaïd Salah avec toi ! »
Leïla
Wahda (Lutte ouvrière n°2643)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire