Une
riposte nécessaire
Le 26
février, Edouard Philippe, le Premier ministre, a lancé son plan d’attaque
contre les cheminots. Sans surprise, il a repris la quasi-totalité des
préconisations du rapport Spinetta qu’il avait commandé. L’application de ce
plan représenterait un recul considérable pour les cheminots.
Derrière
la disparition programmée du statut, il y a tout d’abord le permis de licencier
à grande échelle. Ce statut, agité comme un chiffon rouge, ne garantit
certainement pas l’emploi à vie, puisque de nombreux cheminots sont licenciés
chaque année pour faute individuelle ou poussés à la démission. Mais il
interdit à la SNCF les licenciements collectifs. C’est justement de tels plans
de licenciement que préparent gouvernement et patronat dans les années à venir,
dans les ateliers menacés de fermeture, dans les guichets et dans tous les
corps de métier avec l’externalisation de nombreuses tâches et l’abandon de
milliers de kilomètres de lignes. Et si la précarité existait déjà, le
gouvernement veut la généraliser, plonger n’importe quel travailleur du rail
dans l’insécurité du lendemain, le soumettre à la loi du profit et à
l’arbitraire patronal.
Derrière
la disparition du statut, il y aussi celle de la réglementation du travail.
Face aux innombrables accidents du travail et de circulation, les cheminots
avaient imposé, par la lutte, d’abord aux compagnies privées puis à la SNCF,
des repos compensateurs minimaux, une limitation de l’amplitude de la journée
de travail, de la durée de conduite par exemple. Philippe veut balayer ces
maigres protections et n’appliquer, aux nouveaux embauchés, que le Code du
travail… qu’il continue de démolir de l’autre main.
Une
attaque frontale
Parallèlement,
Philippe confirme le transfert obligatoire des cheminots, dans le cadre de
l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, en cas de perte de
marché par la SNCF. L’entreprise repreneuse pourrait alors imposer sa propre
réglementation du travail, régressive, aux cheminots concernés.
Et puis
partout, le plan gouvernemental propose de généraliser la polyvalence, de
changer l’organisation du travail, en particulier par l’augmentation du travail
de nuit. Il propose aussi d’accélérer les suppressions d’emplois, par
l’instauration de plans de départs volontaires pour les uns et
l’intensification du travail pour les autres.
C’est
bien avec la peau des cheminots, que l’équipe Macron-Philippe, marchant main
dans la main avec la direction de la SNCF, veut doper les profits présents et
futurs du patronat ferroviaire.
Depuis
la publication du rapport Spinetta et encore davantage après les annonces du
plan gouvernemental, dans les ateliers, les gares et les dépôts, les
discussions sont incessantes. La gravité de l’attaque ne laisse aucun doute.
L’indignation
est générale devant la campagne présentant les cheminots comme des privilégiés.
De la même façon, de nombreux cheminots sont offensés par l’impudence des
politiciens et des journalistes qui osent mettre sur leur dos retards et
incidents alors qu’usagers et cheminots sont victimes des suppressions massives
d’effectifs et du manque de matériel et d’investissement depuis 30 ans.
Le
gouvernement tente de diviser les cheminots entre ceux qui ont le statut et le
garderont, et ceux qui ne l’ont pas. Mais si de nombreux travailleurs ne sont
pas au statut, mais en CDI, ou appartiennent à des entreprises sous-traitantes,
bon nombre savent que tous sont visés, dans ce plan d’attaque contre les
salaires, les emplois et les conditions de travail. Le recul des uns entraînera
inévitablement le recul des autres. Il faut réagir ensemble.
Plus
que la décision de légiférer par ordonnances, qui a fait réagir certaines
directions syndicales et des parlementaires, c’est le contenu des attaques en
lui-même qui révolte les cheminots. Et ils savent que ce n’est certainement pas
par les discussions et prétendues négociations qu’ils obtiendront quoi que ce
soit. La seule chose qui peut inquiéter le gouvernement, c’est la mobilisation
des travailleurs.
Il faut
se préparer à une grève dure. D’ores et déjà des cheminots, même parmi ceux qui
n’ont jamais fait grève, s’y déclarent prêts.
À la
suite de l’annonce des ordonnances, plusieurs syndicats ont adopté lundi 26
février un discours combatif, Laurent Brun, secrétaire de la fédération CGT
Cheminots déclarant : « Pour faire plier le gouvernement, il va sans doute
falloir un mois de grève. » Même la CFDT Cheminots, qui a soutenu et signé
les précédentes réformes, se disait favorable à une « grève reconductible à
partir du 14 mars ». Mais, réunies le mardi 27, les fédérations ont jugé
pour l’heure urgent… d’attendre et de se caler sur le calendrier de discussions
du gouvernement, lui redonnant l’initiative.
C’est
donc la journée du 22 mars, où une manifestation nationale des cheminots est
organisée en même temps que celle de la fonction publique qui, pour l’heure,
constitue la première riposte appelée par la CGT, Sud-Rail et l’UNSA. Il faut
qu’elle soit massive par le nombre de grévistes, dans les assemblées et dans la
rue.
Christian
BERNAC (Lutte ouvrière n°2587)
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