Loi Veil
: un droit conquis par la lutte des femmes
L’adoption de la loi dépénalisant
l’interruption volontaire de grossesse (IVG) fut d’abord le résultat des luttes
féministes du début des années 1970 et des mobilisations de nombreuses femmes
et hommes qui eurent le courage de braver la législation réactionnaire.
La loi de 1920 condamnait à de
lourdes peines de prison les femmes qui avortaient et ceux qui les y aidaient.
Chaque année, plus de 300 000 femmes avortaient clandestinement, avec les
risques que cela impliquait. Certaines mouraient à la suite de leur avortement,
d’autres demeuraient stériles. Cette situation alarmait de nombreux médecins et
de nombreuses femmes, dont certaines furent à l’origine du Mouvement pour un
planning familial, pour développer la contraception. Après Mai 68, les
mobilisations pour imposer la légalisation de l’avortement s’amplifièrent.
En 1971, 343 femmes connues,
écrivaines, actrices, universitaires, signèrent un manifeste pour revendiquer
le droit d’avorter librement, reconnaissant elles-mêmes avoir eu recours à un
avortement et s’exposant ainsi à des poursuites pénales. En 1972, le procès de
Bobigny eut un énorme retentissement, lorsqu’une jeune fille fut jugée pour
avoir avorté alors qu’elle avait été violée. Devant la mobilisation pour
défendre cette jeune fille et sa mère, accusée de complicité, les juges
n’osèrent pas la condamner. Après ce procès, les magistrats reçurent
l’instruction de ne plus poursuivre les femmes pour avortement.
L’association Choisir la cause
des femmes et le MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la
contraception) virent le jour dans cette période et menèrent le combat,
organisant des manifestations et des voyages vers Londres ou Amsterdam pour les
femmes voulant avorter.
En 1974, nouvellement élu
président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, qui voulait se donner une
image de réformateur moderne, confia à Simone Veil, ministre de la Santé, la
tâche de défendre une loi légalisant l’IVG devant l’Assemblée nationale. En
acceptant, elle permit que s’ouvre une brêche décisive dans l’arsenal
moyenâgeux qui opprimait les femmes. Mais la première version de la loi était
bien modérée, ne supprimant pas la notion de délit. Les femmes ne pouvaient
recourir à l’avortement qu’avant la dixième semaine de grossesse. Les médecins
pouvaient refuser de le pratiquer et tous les frais étaient à la charge de la
patiente. L’avortement clandestin perdura donc encore des années.
Aline URBAIN (Lutte ouvrière n°2553)
Aline URBAIN (Lutte ouvrière n°2553)
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