Venezuela
: l’opposition mobilise contre Maduro
Depuis le début du mois d’avril,
au Venezuela, l’opposition de droite organise des manifestations contre la
présidence chaviste de Nicolas Maduro. Si celle du samedi 22 avril a été
pacifique, la plupart ont été marquées par des heurts violents, notamment avec
la police. On compterait 26 morts depuis le début du mois.
Depuis l’arrivée des chavistes au
pouvoir en 2000, la droite et les classes possédantes ont constamment cherché à
les renverser. La dégradation de la situation depuis trois ans leur a donné des
ailes.
L’effondrement du prix du pétrole
a créé une situation de forte pénurie qui pèse lourdement sur la population. La
production nationale a reculé de 25 % et l’inflation est évaluée à 700 % par le
FMI, ce qui réduit à peu de chose le pouvoir d’achat des classes populaires et
d’une partie des classes moyennes, développant un important marché noir tandis
que les étals des supermarchés sont vides.
Quand la rente pétrolière était
élevée, le régime n’avait aucune difficulté de trésorerie et pouvait assurer le
fonctionnement des services sociaux développés par Chavez pour satisfaire les
besoins élémentaires de la population : alimentation, santé, éducation,
logement, etc.
Avec un prix du brut très bas, la
situation est devenue dramatique. Pour ne pas risquer la saisie de ses actifs à
l’étranger par les organismes financiers prêteurs, le gouvernement assure
d’abord le paiement de sa dette, mais il ne parvient plus à assurer à la
population un ravitaillement régulier en aliments et en médicaments, payés au
prix fort sur le marché mondial. Du fait des pénuries, la population est à
l’affût de la moindre queue et des arrivages qu’elle signale.
Le ravitaillement est désormais
contrôlé par l’armée, à la tête de nombreuses activités économiques et aussi de
divers trafics. C’est ce qui cimente, du moins jusqu’à présent, le soutien de
l’armée au régime.
En décembre 2015, l’opposition de
droite a remporté la majorité au Parlement. Depuis, elle s’est engagée dans un
bras de fer avec la présidence. Le 30 mars, la Cour suprême a dépossédé le
Parlement de ses pouvoirs pour se les attribuer. Et le 7 avril le principal
dirigeant de l’opposition, l’avocat Henrique Capriles, l’ex-candidat de droite
à la présidence en 2013, a été déclaré inéligible pour quinze ans pour sa
mauvaise gestion de l’État de Miranda.
Ces deux décisions rapprochées,
au lieu de freiner l’opposition, l’ont au contraire enflammée et ont entraîné
les manifestations actuelles.
L’opposition critique ce que
certains appellent la « gabegie populiste », la mauvaise gestion des chavistes,
le fait qu’ils ont exproprié plusieurs centaines d’entreprises, mais aussi le
fait que les ressources aient été consacrées aux programmes sociaux, selon ces
critiques, alors qu’elles auraient été mieux employées à moderniser l’économie.
Ce reproche est fait en sourdine, car l’opposition de droite essaie d’attirer à
elle une partie des soutiens populaires du gouvernement qui avaient apprécié la
politique sociale de Chavez.
Cependant, il est vrai que ni
Chavez ni Maduro, n’ont tenté de diversifier l’économie restée monoproductrice
de matières premières, et d’abord du pétrole dont le Venezuela possède
d’immenses réserves.
De fait, comme d’autres pays
monoproducteurs, le Venezuela reste dépendant de l’économie mondiale
impérialiste et des fluctuations des cours des matières premières. Mais ce
procès fait par l’opposition, où l’on retrouve les partis de droite et de
gauche qui, avant Chavez, alternaient au pouvoir, est d’autant plus de mauvaise
foi que ces partis, quand ils étaient aux affaires, n’ont pas plus essayé de
diversifier l’économie. Ils se sont contentés eux aussi de vivre sur la rente
pétrolière.
En fait, Chavez et les chavistes
étaient et sont des nationalistes, certainement pas des révolutionnaires ayant
la volonté politique de s’attaquer à la racine du mal, c’est-à-dire à la
propriété privée des moyens de production et à la domination de l’impérialisme.
Il n’a jamais été non plus dans leurs objectifs d’exproprier la bourgeoisie
locale, avec laquelle ils ont finalement cohabité.
La formule du « socialisme du 21e
siècle », à la mode quand le prix du brut était élevé, recouvrait au mieux les
programmes sociaux, certes bons à prendre pour les classes populaires dans une
Amérique latine où la majorité ne connaît souvent que la misère, mais qui ne
lésaient nullement les possédants qui orchestrent aujourd’hui la contestation
dans la rue.
Nul ne peut dire combien de temps
la situation actuelle peut durer, en l’absence d’une remontée des cours du pétrole.
Mais, si l’opposition finissait par l’emporter, elle ne manquerait pas, elle
non plus, de s’en prendre aux classes populaires, à commencer par les
programmes sociaux qui les concernent. C’est ce à quoi celles-ci doivent être
prêtes à s’opposer, avec leurs revendications propres.
Jacques FONTENOY (Lutte ouvrière
n°2543)
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