Rwanda :
à quand le jugement de l’impérialisme français ?
Deux Rwandais accusés d’avoir
participé au massacre de centaines de Tutsis en avril 1994 sont jugés depuis
mardi 10 mai à Paris. Il s’agit du maire et de l’ancien maire de la commune de
Kabarondo.
Des
témoins ont rapporté comment Octavien Ngenzi, le maire, était allé chercher en
voiture les Tutsis de la localité pour leur dire de s’abriter dans l’église,
alors que les tueries ensanglantaient tout le pays. C’était en fait pour les
livrer aux miliciens hutus, les Interahamwe, qui attaquèrent l’église avec le
renfort de gendarmes, assassinant les Tutsis à coup de machette. Le second
accusé, Tito Barahira, supervisait les tueries en brandissant sa lance. Il n’y
eut que quelques rares survivants.
Si
ces crimes sont aujourd’hui jugés, c’est grâce à l’acharnement du Comité pour
la vérité et la justice au Rwanda, qui a retrouvé la trace d’une cinquantaine
de génocidaires réfugiés en France et a déposé plainte contre eux. L’un d’eux,
Pascal Simbikangwa, ancien officier de la garde présidentielle rwandaise, a été
condamné à 25 ans de prison en mars 2014.
Mais,
dans ces procès, il manque un accusé, et non des moindres : l’État français,
dont les responsables ont à l’époque protégé et armé le régime rwandais.
Lorsque le génocide survint, le gouvernement français était depuis de longues
années derrière les massacreurs. Le Rwanda, situé à la frontière des régions
riches en minerais du Congo voisin, était tombé dans la zone d’influence
française après avoir été colonisé par la Belgique. Son président, Habyarimana,
attisait la haine contre les Tutsis pour garder le pouvoir et permettre à son
clan de piller le pays. À chaque fois qu’il eut besoin de l’armée française
pour sauver son régime, Paris répondit présent.
À
partir de 1990, quand le génocide a commencé à se préparer, les officiers
français continuèrent à former et à armer les futurs tueurs. Le président
Mitterrand sut fermer les yeux sur les pogroms locaux de plus en plus
fréquents, la constitution de milices ou la propagande assassine de Radio mille
collines. Lorsque les massacres se déchaînèrent, après l’assassinat d’Habyarimana,
l’armée française laissa faire, se contentant d’évacuer les Européens… et la
famille d’Habyarimana. Elle n’intervint qu’après l’effondrement du régime
génocidaire sous les coups du Front patriotique rwandais (FPR), et aida alors
les assassins à s’enfuir vers le Congo, sous prétexte d’opération humanitaire.
C’est
avec cette protection que le régime a pu faire 800 000 morts. Les dirigeants
français ont du sang sur les mains, au même titre que les criminels aujourd’hui
jugés.
Daniel MESCLA (Lutte ouvrière de cette semaine n°2493)
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