dimanche 2 novembre 2014

Indépendance algérienne : il y a 60 ans débutait la Guerre d'Algérie. Un article de notre hebdomadaire Lutte Ouvrière



Il y a 60 ans, 1er novembre 1954 : le début de la guerre d'Algérie

Le 1er novembre 1954, des bombes explosaient à Alger et dans différents lieux, marquant le début de la guerre d'Algérie. Les jours de la domination française, vieille alors de 124 ans, étaient comptés. Le pouvoir colonial allait user systématiquement de la torture, des sanctions collectives, déporter des centaines de milliers de paysans dans des zones contrôlées par l'armée française, sans pouvoir venir à bout de la détermination des Algériens à combattre l'oppression dont ils étaient victimes. Le 5 juillet 1962, après huit ans de guerre et un million de morts, l'Algérie serait indépendante.
   Les militaires français avaient pris pied en Algérie en 1830, avant de se lancer dans ce qu'ils nommèrent eux-mêmes une guerre de ravageurs. La tactique du général Bugeaud se résuma à tout détruire sur son passage pour anéantir les populations. L'avancée des soldats signifiait des assassinats en masse, des villages entiers brûlés, des troupeaux et des terres dévastés. En 1845, de 500 à 1 500 hommes, femmes et enfants réfugiés dans une grotte furent tués, car un de ces colonels ravageurs décida d'attiser un feu durant 18 heures à son entrée pour les asphyxier. Ces actes de barbarie vinrent difficilement à bout de la résistance des populations. Il fallut quarante ans à l'armée française pour éteindre les révoltes. 

La domination coloniale

La population algérienne paya un lourd tribut à cette conquête. Entre les massacres et les famines dues aux dévastations et à la spoliation de millions d'hectares de terre, elle passa de trois millions à deux millions de personnes. Volée et affamée, réduite à la misère, elle se vit aussi privée de tout droit. Durant toute la période coloniale, les Algériens furent soumis au Code de l'indigénat qui en faisait des sous-citoyens. Un regard de travers pouvait être passible de peine de prison. Il fallait un permis pour circuler d'un village à l'autre. L'Algérie était française, mais les Algériens étaient des parias dans leur propre pays. Les enfants n'avaient pas accès à l'éducation et le système de santé, inexistant dans les campagnes, était réservé aux seuls Européens dans les villes. Et enfin des impôts dits « arabes », pesant sur les seuls Algériens, leur faisaient payer les frais de la colonisation.
À partir du début du XXe siècle, les paysans furent de plus en plus contraints de quitter les campagnes, leurs terres désormais accaparées par une poignée de grands colons, pour aller peupler les bidonvilles des métropoles algériennes ou françaises. La colonisation allait créer un prolétariat algérien, dont le sort serait désormais intimement lié à celui du prolétariat français.
C'est d'ailleurs le PC, en France, qui créa l'Étoile nord-africaine (ENA), première organisation - principalement composée de travailleurs algériens - revendiquant l'indépendance. Bien des militants nationalistes furent formés à cette école. Mais leurs revendications se heurtèrent systématiquement à la répression du gouvernement français, y compris en 1936 sous le Front populaire. Le gouvernement de Blum n'eut même pas le courage de présenter au Parlement un projet de donner le droit de vote à 21 000 Algériens. En revanche, la répression s'abattit sur les ouvriers algériens qui avaient fait grève et les paysans qui avaient occupé les terres des colons. Messali Hadj, le leader nationaliste algérien, fut envoyé en prison et ses partisans furent pourchassés.

Vers la lutte armée

Durant la Deuxième Guerre mondiale, des milliers d'Algériens furent enrôlés, car la puissance coloniale avait besoin d'eux pour rétablir sa domination. Cela allait changer bien des choses dans les consciences. Le 1er mai 1945, le PPA, nom du nouveau parti de Messali, appela à manifester pour l'indépendance de l'Algérie. Le PCF et la CGT dénoncèrent ces manifestants comme étant des « provocateurs hitlériens ». Le 8 mai 1945, à Sétif, lors de la manifestation pour « fêter la paix », la police tira sur un homme tenant un drapeau algérien. Cela déclencha la révolte de la population de la région. Le gouvernement français, dirigé par de Gaulle et comportant deux ministres communistes, engagea une répression dans la pire tradition de l'armée coloniale. Pendant que des milices d'Européens avaient quartier libre pour assassiner, des villages entiers étaient bombardés par l'aviation. Il y eut entre 20 000 et 40 000 morts du côté algérien.
Le gouvernement français fit ainsi la démonstration qu'il n'avait que des balles, des bombes et la misère à proposer aux Algériens. Tous les faux espoirs de changements politiques s'évaporaient. Les réformes introduites à partir de 1947 pour distiller une dose de droit de vote parmi les Algériens ne changèrent en rien la situation de misère et d'oppression. Les ferments de la révolte armée contre la présence française allaient germer dans la conscience de tous ceux qui avaient vécu Sétif.
Entre 1945 et 1954, le mouvement nationaliste algérien connut une période de crises et de divisions qui le paralysa, au moment où une vague de luttes pour l'indépendance des colonies secouait le monde. C'est dans ce contexte qu'une poignée de militants algériens créèrent le Front de libération nationale, le FLN, pour lancer la lutte armée. Ils ne pouvaient s'appuyer que sur leur détermination et l'existence, depuis 1945, d'un maquis en Kabylie.
Malgré leurs moyens extrêmement limités, en ce 1er novembre 1954, ils organisèrent divers attentats contre des casernes, contre des usines appartenant à l'État ou à de gros colons, qui résonnèrent comme un véritable coup de tonnerre. Le FLN déclarait ainsi la guerre au colonialisme français. En montrant leur détermination, ces militants, peu nombreux en 1954, allaient se placer à la tête de toute la population algérienne et mener la lutte pour l'indépendance jusqu'à son terme.

Huit ans d'une sale guerre

Le pouvoir colonial réagit avec les seules méthodes qu'il connaissait. Des milliers de personnes furent arrêtées. Les dirigeants politiques, dont un certain François Mitterrand, affirmèrent partout que « l'Algérie, c'est la France » et « la seule négociation, c'est la guerre ». La bourgeoisie française s'accrocha durant huit ans à sa colonie. La répression s'amplifia d'année en année. Les militaires eurent tout pouvoir pour torturer, massacrer et semer la terreur. Mais si la bourgeoisie put mener sa sale guerre, c'est aussi parce que le PCF comme le PC algérien, qui comportaient pourtant de nombreux militants prêts à combattre l'oppression coloniale et le pouvoir en place, n'avaient pas de perspective politique dans ce sens. Pendant que le communiste algérien Maurice Audin mourait dans les caves de l'armée française, le PCF soutenait le gouvernement du socialiste Guy Mollet, qui intensifiait la guerre et permettait la généralisation de la torture. Pendant que des militants communistes empêchaient les trains de rappelés de partir vers la guerre, le PCF se contentait de dire « Paix en Algérie », ce qui lui évitait de se prononcer clairement pour l'indépendance.
Les Algériens se retrouvèrent donc seuls pour combattre la bourgeoisie française et n'eurent d'autre choix que de se ranger derrière le FLN, qui s'imposa aussi en éliminant tous ses opposants politiques, en particulier les partisans de Messali. Le FLN cherchait, à travers cette guerre, à préparer un appareil d'État, principalement une armée, capable de s'imposer au jour de l'indépendance et de prendre le contrôle du pays, en imposant à la population les choix de la nouvelle bourgeoisie algérienne.
Le courage et la détermination de la population algérienne eurent raison de l'odieux régime colonial et permirent son émancipation nationale, même s'il lui reste, comme partout ailleurs, à gagner son émancipation sociale.
                                                             
                                                                                          Marion Ajar

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