Quel
écueil menace la révolution de demain ?
L'écueil
où s'est brisée celle d'hier : la déplorable popularité de bourgeois déguisés
en tribuns.
Ledru-Rollin, Louis Blanc, Crémieux,
Lamartine, Garnier-Pagès, Dupont de l'Eure, Flocon, Albert, Arago, Marrast !
Liste funèbre ! Noms sinistres, écrits en
caractères sanglants sur tous les pavés de l'Europe démocratique.
C'est le gouvernement provisoire qui a
tué la Révolution.
C'est sur sa tête que doit retomber la responsabilité de tous
les désastres, le sang de tant de milliers de victimes.
La réaction n'a fait que son métier en
égorgeant la démocratie.
Le crime est aux traîtres que le peuple
confiant avait acceptés pour guides et qui l'ont livré à la réaction.
Misérable gouvernement ! Malgré les cris
et les prières, il lance l'impôt des 45 centimes qui soulève les campagnes désespérées,
il maintient les états-majors royalistes, la magistrature royaliste, les lois
royalistes. Trahison !
Il court sus aux ouvriers de Paris ; le
15 avril, il emprisonne ceux de Limoges, il mitraille ceux de Rouen le 27 ; il
déchaîne tous leurs bourreaux, il berne et traque tous les sincères
républicains. Trahison ! Trahison !
A lui seul, le fardeau terrible de toutes
les calamités qui ont presque anéanti la Révolution.
Oh ! Ce sont là de grands coupables et
entre tous les plus coupables, ceux en qui le peuple trompé par des phrases de
tribun voyait son épée et son bouclier; ceux qu'il proclamait avec
enthousiasme, arbitres de son avenir.
Malheur à nous, si, au jour du prochain
triomphe populaire, l'indulgence oublieuse des masses laissait monter au
pouvoir un de ces hommes qui ont forfait à leur mandat ! Une seconde fois, c'en
serait fait de la
Révolution.
Que les travailleurs aient sans cesse
devant les yeux cette liste de noms maudits ! Et si un seul apparaissait jamais
dans un gouvernement sorti de l'insurrection, qu'ils crient tous, d'une voix :
trahison !
Discours, sermons, programmes ne
seraient encore que piperies et mensonges ; les mêmes jongleurs ne
reviendraient que pour exécuter le même tour, avec la même gibecière ; ils
formeraient le premier anneau d'une chaîne nouvelle de réaction plus furieuse !
Sur eux, anathème, s'ils osaient jamais
reparaître !
Honte et pitié sur la foule imbécile
qui retomberait encore dans leurs filets !
Ce n'est pas assez que les escamoteurs
de Février soient à jamais repoussés de l'Hôtel de Ville, il faut se prémunir
contre de nouveaux traîtres.
Traîtres seraient les gouvernements
qui, élevés sur les pavois prolétaires, ne feraient pas opérer à l'instant même
:
1°
- Le désarmement des gardes bourgeoises.
2°
- L'armement et l'organisation en milice nationale de tous les ouvriers.
Sans
doute, il est bien d'autres mesures indispensables, mais elles sortiraient
naturellement de ce premier acte qui est la garantie préalable, l'unique gage
de sécurité pour le peuple.
Il
ne doit pas rester un fusil aux mains de la bourgeoisie. Hors de là, point de
salut.
Les
doctrines diverses qui se disputent aujourd'hui les sympathies des masses,
pourront un jour réaliser leurs promesses d'amélioration et de bien-être, mais
à la condition de ne pas abandonner la proie pour l'ombre.
Les armes et l'organisation, voilà
l'élément décisif de progrès, le moyen sérieux d'en finir avec la misère.
Qui a du fer, a du pain.
On
se prosterne devant les baïonnettes, on balaye les cohues désarmées. La France hérissée de
travailleurs en armes, c'est l'avènement du socialisme.
En présence des prolétaires armés,
obstacles, résistances, impossibilités, tout disparaîtra.
Mais, pour les prolétaires qui se
laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations
d'arbres de la liberté, par des phrases sonores d'avocat, il y aura de l'eau
bénite d'abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère
toujours.
Que le peuple choisisse !
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