Quand deux jeunes intellectuels s’engagent
pour changer le monde
Un film
de Raoul Peck : Le jeune Karl Marx
L’histoire
des révolutionnaires est très ancienne, mais il n’est pas fréquent de la voir
au cinéma. C’est pourtant ce qu’a fait Raoul Peck, en montrant l’itinéraire de
deux d’entre eux entre 1843 et 1848. Deux jeunes intellectuels allemands,
révolutionnaires et communistes, Marx et Engels, vont faire le choix de se
mettre au service des combats de la classe ouvrière européenne naissante. De ce
choix naîtra le programme qui est encore aujourd’hui celui de son émancipation.
On voit
ainsi le monde dans lequel Marx et Engels ont forgé leurs idées. On voit
l’Angleterre industrialisée et sa classe ouvrière, où les femmes ont une place
importante. À la même époque, en Allemagne, des intellectuels combattent le
despotisme prussien en utilisant le langage de la philosophie dans des journaux
et des pamphlets. Marx et Engels, âgés de 25 et 23 ans, sont issus de ce
milieu. Devenant communistes, ils décident de combattre les conceptions
philosophiques de leurs anciens camarades, rompent idéologiquement avec eux et
se tournent vers les militants ouvriers de toute l’Europe. Marx expulsé de
Prusse se retrouve en France, à Paris. Il participe aux réunions ouvrières et y
rencontre des militants comme Proudhon et Bakounine, dont les idées sont à la
base de l’anarchisme.
Marx
est rejoint par Engels et leur objectif commun va alors être d’armer le
mouvement ouvrier d’une conception scientifique du communisme, fondée non
seulement sur l’aspiration à l’égalité, mais aussi appuyée sur une
compréhension du développement historique et de la lutte des classes.
C’est
dans l’enthousiasme que Marx et Engels prennent contact et adhèrent à l’une des
organisations ouvrières les plus importantes de l’époque, la Ligue des justes,
dont le quartier général est à Londres mais qui a des militants dans toutes les
grandes villes d’Europe occidentale. Ils vont combattre les idées du principal
leader de cette organisation, Weitling, révolutionnaire acharné mais aux idées
imbibées de mysticisme.
Le film
se termine sur la concrétisation de ce premier combat. La Ligue confie aux deux
militants la rédaction d’un nouveau programme, qui sera le Manifeste du
parti communiste. Elle changera de nom, deviendra la Ligue des communistes.
Elle changera aussi de devise, passant de « Tous les hommes sont
frères » à « Prolétaires de tous les pays unissez-vous
», en se fixant comme but l’expropriation de la bourgeoisie et la
collectivisation des moyens de production.
Le film
ne manque pas de décrire le quotidien de Marx et de sa compagne, Jenny, leurs
difficultés financières, ainsi que leur expulsion d’Allemagne puis de France.
Il donne ainsi chair à ces personnages historiques qu’ont été Marx et Engels,
dont les idées ont inspiré le mouvement ouvrier mondial et, espérons-le,
continueront de le faire.
Le
réalisateur a bien sûr mis dans le film sa propre vision des choses et de ses
personnages, en racontant ce moment exceptionnel de l’histoire d’où est né le
marxisme. Mais elle est toujours honnête, et Marx et Engels sont montrés comme
les militants révolutionnaires qu’ils étaient.
Pierre
ROYAN (Lutte ouvrière n°2566)
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