Places de parkings et place aux actionnaires
La
chambre régionale des comptes vient de rendre public hier les conclusions de
son enquête sur la « Gestion du stationnement urbain » à Argenteuil. Nous
y reviendrons. En attendant nous le portons à la connaissance de tous (ce qui
est souligné l’est par nos soins). Pour faire court, nous pouvons dire que
depuis des années cette question du stationnement public à Argenteuil remis
pour l’essentiel entre les mains de de grosses entreprises du secteur privé -SPIE,
puis Vinci- a été marquée par une « situation de faiblesse » de la
commune, et donc de force du secteur privé bénéficiaire. Mais qui s’en
étonnera.
11/05/2016
Extrait
Synthèse
L’examen de la gestion du service
public du stationnement urbain de la commune d’Argenteuil (9 503 places
publiques : 5 345 en ouvrage et 4 158 sur voirie) s’inscrit dans
le cadre d’une enquête des juridictions financières et a porté sur les
exercices 2010 et suivants, jusqu’à la période la plus récente.
Le dernier avis de contrôle budgétaire
rendu par la chambre régionale des comptes, le 10 avril 2015, avait
relevé, à cet égard, combien la gestion du stationnement urbain pesait sur les
comptes de la commune. En effet, la délégation globale du service public de
stationnement couvrant la voirie et les parcs en ouvrage, confiée à la société
SPIE Autocité, a donné lieu, fin 2013 et début 2014, à plusieurs
contentieux dont l’issue a été défavorable à la collectivité. La commune,
in fine, a eu recours à une transaction et a conclu, le 14 novembre 2014,
un protocole transactionnel par lequel elle s’est engagée à verser au
délégataire précité une indemnité de 13,6 M€[1], selon un échéancier
courant jusqu’en 2018.
Une
convention déséquilibrée dont les effets continueront de
peser sur les finances de la collectivité jusqu’en 2018
Au titre de cette délégation,
conclue en 2006, la commune s’acquittait chaque année auprès de la société SPIE
Autocité d’un ensemble de subventions et de compensations d’un montant
d’environ 2 M€, alors que la société, dans le même temps, percevait la
totalité des recettes des parcs en ouvrage de la ville et du stationnement en
voirie. En sus de ce montant significatif, une somme de 0,6 M€,
correspondant à des compensations diverses, était également facturée par la
société SPIE Autocité, mais la collectivité n’assurait ni la comptabilisation,
ni le règlement de cette créance, sans pour autant la contester.
Cette délégation, conclue pour
une durée initiale de 30 ans, a été dénoncée par la collectivité, en juin
2011, la résiliation prenant effet en juillet 2013. Cependant, en application
des stipulations du protocole transactionnel précité, la commune, après avoir
procédé à un premier versement de 6 M€, en février 2015, devra verser
chaque année à la société SPIE Autocité, jusqu’en 2018, 2,5 M€.
L’absence de maîtrise des enjeux
financiers liés à la délégation conclue avec SPIE Autocité est à l’origine de
cette situation. Sur des points essentiels, la collectivité, en effet, a
singulièrement négligé la défense de ses intérêts :
- elle versait ainsi à son
délégataire une subvention forfaitaire d’exploitation (SFE) aux contours mal
définis. Aucun élément contractuel ne permettait en effet de relier le
versement de cette subvention, qui portait sur un montant annuel de l’ordre de
1,7 M€, à des sujétions de service public identifiées et chiffrées. La
collectivité prenait également en charge, au sein de son propre budget, des
dépenses en relation directe avec l’exploitation du service public délégué, qui
incombaient pourtant au délégataire ;
- en sus de cette subvention, la
collectivité s’était engagée à compenser, à hauteur de 0,45 M€ HT, la
gratuité accordée, pour une durée anormalement élevée de 2h30 mais résultant
d’un choix délibéré de la commune, aux utilisateurs du parkingCôté Seine.
Jusqu’à l’intervention d’un jugement du 3 décembre 2013 du Tribunal
administratif de Cergy-Pontoise, la collectivité, qui interprétait de manière
erronée le dispositif conventionnel, semblait convaincue que cette compensation
venait en déduction de la subvention forfaitaire d’exploitation déjà
acquittée ;
- la totalité des recettes en
voirie était reversée au délégataire, soit environ 0,25 M€ par an. Plus
encore, la commune était sanctionnée, à hauteur d’une somme équivalente, au
titre d’un taux de respect irréaliste des règles de stationnement,
arbitrairement fixé à 70 %, alors qu’il s’élevait en réalité à environ
25 % ;
- par ailleurs, les rapports
d’activité du délégataire ne retraçaient pas l’intégralité des flux financiers
mis à la charge de la collectivité, sans que celle-ci ne formule la moindre
observation, se mettant ainsi en position de faiblesse vis à vis des futurs
contentieux avec son délégataire.
De même, le contrôle technique de
la délégation a toujours été défaillant. L’exemple le plus révélateur de cette
lacune réside dans le projet de parking de l’hôtel de ville, qui constituait le
principal investissement envisagé. Ce projet, dont le principe et la
réalisation ont bien été arrêtés,
au demeurant en l’absence de toute étude préalable, a ainsi été abandonné sans
que la commune en tire quelque conséquence que ce soit s’agissant du cahier des
charges techniques et financières de la délégation.
La
reprise du stationnement en voirie
La reprise en régie par la
commune du stationnement en voirie, à compter du 24 juillet 2013, s’est
accompagnée d’une nette diminution des recettes, alors que, désormais, elles
ont vocation à abonder les ressources de la commune.
Selon la collectivité, les
recettes de stationnement en voirie s’établissaient, au 1er semestre
2015, à 50 280,97 €, soit 20 % seulement du montant collecté en
2012. Le fait que, début juillet 2015, près de 39 horodateurs, sur un parc
total de 72, soient hors service, n’est sans doute pas étranger à cette
situation. Cette perte de recettes à hauteur de 85 000 € est d’autant
plus regrettable qu’elle s’inscrit pour la commune dans un contexte financier
très contraint.
Par ailleurs, la collectivité n’a
pas mis à profit la reprise en régie du stationnement en voirie pour pallier
les défaillances structurelles mises en évidence par plusieurs cabinets
d’audit : stationnement hors places prévues à cet effet, faible taux de
respect des règles de stationnement, très faible taux de verbalisation. Les
redevances de stationnement ne représentaient ainsi, en 2014, que le tiers de
la masse salariale des agents de surveillance de la voie publique (ASVP) de la
commune.
En tout état de cause, la
collectivité trouverait avantage à mettre en œuvre une refonte de ses tarifs,
allant notamment dans le sens d’une harmonisation de la tarification du
stationnement en voirie et en ouvrage, et à rendre plus efficaces les modalités
de contrôle du stationnement en voirie.
La
nouvelle délégation confiée à VinciPark comporte des incertitudes
En ce qui concerne la délégation
confiée à la société Vinci Park pour l’exploitation des parcs en ouvrage de la
commune, à compter du 23 juillet 2013, les flux financiers paraissent
davantage maîtrisés.
Pour autant, cette maîtrise du
dispositif contractuel présente toujours des insuffisances notables, au regard
des considérations suivantes :
- les modalités de calcul du
montant de la subvention forfaitaire d’exploitation, que la collectivité verse
à la société Vinci Park, ne sont pas précisément définies par le contrat et les
mécanismes de revalorisation de la SFE apparaissent très défavorables à la
collectivité ;
- lors du changement de
délégataire, en juillet 2013, la collectivité n’a pas saisi l’occasion de
remettre à plat le dispositif extrêmement coûteux de gratuité du parcCôté Seine
associant la commune, les commerçants riverains et,in fine, le délégataire,
alors pourtant qu’une délibération du 12 décembre 2011 et des
consultations juridiques approfondies l’invitaient à agir en ce sens. L’enjeu
financier de la compensation de cette gratuité est loin d’être négligeable pour
la collectivité puisqu’à ce titre elle a mandaté, en 2015, 713 765 €
au profit du délégataire ;
- la collectivité n’a par
ailleurs effectué aucune comparaison des recettes et des charges au titre des
délégations successives. À titre d’exemple, le total des recettes liées au
parcCôté Seines’est élevé à 644 595 € HT, en 2014, contre
715 000 € HT, en 2012, dernier exercice d’exploitation complet
de l’ancien délégataire. Cet écart de 71 000 € est difficilement
explicable, d’autant que la grille tarifaire du nouveau délégataire est
nettement plus élevée que celle de son prédécesseur.
Au-delà du changement de
délégataire, la gestion du service public du stationnement urbain est marquée
par un certain immobilisme : le nombre de places offertes en ouvrage et en
voirie est inchangé depuis 10 ans, les tarifs de stationnement en voirie
sont identiques depuis le début des années 2000, notamment. Pourtant, le
coût de cette politique est important pour la commune et devrait atteindre, en
2015, près de 250 € par foyer fiscal.
En tout état de cause, cette
gestion sera conduite à évoluer dans un proche avenir. En effet, le contrat
conclu avec la société Vinci Park a prévu d’importants investissements,
à l’horizon 2015-2017. Ainsi, près de 11 M€ devraient être engagés
pour la réhabilitation des parkings du Val d’Argent, dans le cadre de
cofinancements complexes faisant intervenir des subventions de l’Agence
nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) directement versées au délégataire.
Il en résultera, certes, une offre nouvelle de places de parking, mais aussi
des coûts d’exploitation plus élevés pour le délégataire, alors que la
collectivité ne dispose à cet égard d’aucune étude permettant de conclure à la
présence d’une demande solvable de nature à permettre de rentabiliser la
gestion de ces parkings.
([1])
M€ : millions d’euros.
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