Irlande,
24 avril 1916 : l’insurrection de Pâques à Dublin
Cet article est extrait du mensuel
Workers’ Fight d’avril, publié par l’organisation trotskyste britannique du
même nom.
Le 24 avril 2016 marque le
centenaire du premier soulèvement armé survenu au 20e siècle contre
l’impérialisme britannique. Le lundi de Pâques 1916, des détachements armés
composés, les uns, par les travailleurs de l’Irish Citizen Army (ICA – Armée
citoyenne irlandaise) et, les autres, par les nationalistes petits-bourgeois de
l’Irish Republican Brotherhood (IRB – Fraternité républicaine irlandaise),
prenaient le contrôle de la ville de Dublin et proclamaient une République
d’Irlande indépendante.
Cet
événement marqua une nouvelle étape dans la lutte de la plus ancienne colonie
britannique pour son émancipation nationale. Mais il fut bien plus que cela.
Survenant au milieu de la Première Guerre mondiale, dans le pré carré de l’une
des principales puissances belligérantes, il était un avertissement pour toutes
les classes capitalistes européennes.
L’Irish
Citizen Army, une milice ouvrière
L’insurrection de Pâques marqua
aussi la première intervention de la classe ouvrière irlandaise sous son propre
drapeau dans la lutte contre la Grande-Bretagne. Mais ce n’était pas la
première fois qu’elle intervenait sur la scène politique. L’ICA était née au
cours du plus brutal et du plus long conflit industriel du début du 20e siècle
en Europe : le lock-out de 1913 à Dublin.
En
août 1913, le syndicat des travailleurs des transports de Jim Larkin démarra
une grève contre la Compagnie des tramways de Dublin, qui refusait à ses
travailleurs le droit de se syndiquer. La grève s’étendit jusqu’à impliquer 20
000 travailleurs sur tout Dublin. Les patrons de la ville contre-attaquèrent
par un lock-out de cinq mois et une répression féroce. Cela amena Larkin à
demander à un de ses camarades socialistes, James Connolly, de former une
milice de défense ouvrière, l’ICA, pour parer aux attaques de la police. Lors
de manifestations ou de piquets de grève, un certain nombre d’ouvriers avaient
été tués ou sérieusement blessés par des attaques de celle-ci, même jusque dans
leurs maisons. « Le premier et dernier principe » de la création de
l’ICA fut que « le pouvoir moral et matériel en Irlande revient de droit au
peuple irlandais », et son principal objectif celui « d’armer et d’entraîner
tout Irlandais capable de porter des armes pour appuyer et défendre ce premier
principe ».
La
grève fut finalement défaite et les travailleurs furent poussés par la famine à
reprendre le travail. Mais l’ICA continua d’exister en tant que milice ouvrière
socialiste et militante, que Lénine décrira plus tard comme « la première
Armée rouge en Europe ».
Des
dirigeants socialistes internationalistes
Quand la Première Guerre mondiale
éclata, Connolly, Larkin et leurs camarades se retrouvèrent aux côtés de la
minorité des socialistes révolutionnaires européens qui dénonçaient le
caractère impérialiste de cette guerre et appelaient la classe ouvrière à la
combattre.
De
plus, aussi bien l’ICA que les nationalistes de l’IRB virent dans la guerre une
chance de porter un coup à l’impérialisme britannique, ce qui les conduisit à
élaborer un plan commun en vue d’une insurrection. Pour Connolly, il s’agissait
uniquement d’une alliance de circonstance. Contrairement à l’IRB, dont le but
se limitait à l’indépendance de l’Irlande, il espérait que la classe ouvrière
irlandaise serait capable « d’allumer la torche qui mettra le feu à toute
l’Europe et ne s’arrêtera de flamber que lorsque le dernier trône et les
derniers privilèges et obligations capitalistes se seront consumés sur le
bûcher funéraire du dernier seigneur de guerre ».
Contrairement
au nationalisme étroit de l’IRB, la vision de Connolly était internationaliste
et, pour lui, les intérêts de la classe ouvrière irlandaise se confondaient
avec ceux de la classe ouvrière mondiale.
Les
Pâques sanglantes
Le jour convenu pour
l’insurrection, le lundi de Pâques 1916, les insurgés s’emparèrent des
principaux bâtiments publics de Dublin, dont la poste centrale. Les 1 600
miliciens durent affronter une police forte de 2 500 hommes lourdement armés et
qui, jour après jour, se renforça par l’arrivée d’autres troupes.
L’insurrection fut vaincue au bout de six jours, écrasée sous l’artillerie
lourde de l’armée britannique, qui causa d’importants dégâts et surtout nombre
de victimes civiles.
La
répression fut brutale, à la hauteur de la crainte du gouvernement britannique.
La loi martiale fut décrétée sur tout le pays, quinze dirigeants de
l’insurrection furent fusillés dans les jours suivant la fin des combats, dont
Connolly qui, gravement blessé, fut exécuté assis sur une chaise. Plus de 3 000
hommes furent arrêtés et emprisonnés en Angleterre.
Aujourd’hui,
en Irlande, le seul hommage rendu aux victimes du soulèvement de Pâques
consiste à agiter le drapeau tricolore irlandais et à chanter des hymnes
nationalistes devant un parterre de politiciens qui défendent les mêmes
intérêts capitalistes que ceux que l’ICA avait combattus lors du lock-out de
Dublin.
Les
révolutionnaires, eux, doivent garder en mémoire que cette insurrection fut une
tentative de la classe ouvrière irlandaise de changer le cours de l’histoire,
en se levant en pleine guerre mondiale, dans l’espoir d’allumer l’étincelle de
la révolution qui abattrait le système qui l’avait provoquée. Ce fut un échec,
mais d’autres allaient réussir, moins d’un an plus tard. Quand la classe
ouvrière russe renversa le régime tsariste, elle déclencha une vague
révolutionnaire dans toute l’Europe, rendant ainsi le plus bel hommage possible
aux victimes de l’insurrection de Pâques.
Workers’Fight
James Connolly |
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