Une
jeunesse déboussolée par une société folle
Après les attentats, dans
de nombreux établissements scolaires des quartiers défavorisés, une fraction
parfois importante des élèves a repris à des degrés divers les arguments des
intégristes religieux contre Charlie Hebdo ou s'est revendiquée d'un démagogue
d'extrême droite comme Dieudonné.
Pendant
les jours qui ont suivi, journalistes, élus et spécialistes en tout genre se
sont répandus dans les médias pour déplorer hypocritement « l' échec de
l'école dans la transmission des valeurs républicaines ». Et de disserter
gravement sur le rôle de l'école, de se demander si elle n'aurait pas une certaine
responsabilité dans l'attitude de ces jeunes, s'il ne faudrait pas revoir la
formation des enseignants pour mieux les encadrer, ou encore rendre
l'enseignement moral et civique obligatoire à tous les niveaux. Najat
Vallaud-Belkacem, la ministre de l'Éducation, y est elle aussi allée de ses
petites propositions : faire chanter plus souvent la Marseillaise en
classe et imposer aux élèves de se lever en présence d'un adulte.
C'est à
se demander si ces gens-là ont jamais dépassé les frontières de leur
arrondissement huppé, ou n'ont pas oublié depuis longtemps leurs origines
populaires. Pour eux, les statistiques du chômage semblent n'avoir jamais été
que des chiffres. Or, derrière ces chiffres, il y a une réalité dramatique,
celle de toute une société qui se délite sous l'effet de la crise capitaliste.
L'attitude d'incompréhension de ces élèves après les attentats n'en est qu'un
témoignage.
Ce que
vivent les habitants des quartiers populaires, c'est la dégradation de tous les
services publics, et en premier lieu de l'école, le chômage durable subi par
beaucoup d'entre eux, l'aggravation de la misère et la ghettoïsation qui en
découlent. Il n'est pas étonnant que les jeunes de ces quartiers rejettent
cette société qui ne leur offre souvent que l'échec scolaire, l'ostracisme à
cause de leur origine immigrée, les petits boulots et le chômage.
En guise
de culture et de connaissances, ils n'ont droit qu'aux informations tronquées
des journaux télévisés, aux programmes débilitants qui envahissent les chaînes.
S'ils cherchent autre chose autour d'eux, ils tombent sur les intégristes
religieux, qui s'appuient sur leur sentiment de révolte et de frustration pour
tenter de les gagner à leurs idées réactionnaires. Comment s'étonner, dans ces
conditions, de la montée du chacun-pour-soi et de la violence, ainsi que de
toutes les idées rétrogrades, racisme et communautarisme, misogynie et préjugés
religieux ? Et si certains sont plutôt enclins à croire à des sornettes,
comme la « théorie du complot » sortie d'on ne sait où, c'est qu'ils ont
depuis longtemps appris à ne plus rien croire des discours officiels.
Oui,
c'est toute une partie de la jeunesse qui se trouve ainsi rejetée, privée de
véritable accès à la culture, désorientée et sans espoir. Et tous ces gens qui
font semblant de le découvrir ne trouvent rien d'autre à faire que de se
demander pourquoi les enseignants, à qui on enlève des moyens, année après
année, ne parviennent pas à changer l'état d'esprit de cette jeunesse !
Le problème n'est pas de rétablir
des cours de morale ou d'apprendre la République à des élèves auxquels elle ne
peut être qu'étrangère. Il est de remettre en cause l'organisation capitaliste
de la société.
Valérie Fontaine
Lisez les pages suivantes de ce blog. Nous l’actualisons
chaque jour.
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