Sanofi :
le Doliprane et ses profits
Publié le 17/10/2024
Au terme de plus d’un an de négociations,
Sanofi a finalement choisi le fonds d’investissement américain CD&R pour
reprendre Opella, sa filiale santé grand public, qui fabrique entre autres le
Doliprane et qui est valorisée à plus de 15 milliards
d’euros.
Tout le monde connaît Doliprane.
C’est un des produits-phares de Sanofi, de sa filiale Opella qui produit les
médicaments vendus sans ordonnance. Les sites industriels de Lisieux et de
Compiègne en fabriquent 453 millions de boîtes chaque année. Même si Sanofi ne
perçoit pas la totalité des 2,15 euros la boîte, cela fait un joli pactole.
D’autant que Doliprane n’est qu’un parmi les dizaines de médicaments Sanofi
vendus sans ordonnance. Il représente moins de 10 % du chiffre d’affaires total
d’Opella qui a été de 5,2 milliards d’euros en 2023.
C’est beaucoup mais c’est
tellement moins que ce que rapportent les médicaments dits innovants. Ainsi, le
Dupixent de Sanofi, un produit d’immunologie prescrit contre l’asthme, est
vendu à plus de 600 euros l’ampoule de moins de 2 millilitres.
En effet, sous prétexte de
l’importance des travaux de recherche, les produits dits innovants échappent
aux règles habituelles de fixation du prix des médicaments remboursables tenant
compte de l’efficacité, du volume de vente envisagé, des prix pratiqués à
l’étranger... La fixation de leur prix se limite à un marchandage entre le
laboratoire et ce que la Sécurité sociale peut se permettre de payer. Dupixent
à lui seul a ainsi pu générer dans la même année 2023 un chiffre d’affaires de
près de 11 milliards d’euros.
Comme tous les industriels,
Sanofi choisit la rentabilité et, puisque l’immunologie apparaît aujourd’hui
comme le domaine le plus porteur, il choisit ce domaine. Et d’affirmer haut et
fort qu’il doit « devenir le leader mondial de l’immunologie. » Ce n’est pas,
comme il ose ajouter, pour « changer la vie de millions de personnes » mais bel
et bien pour remplir les comptes de ses actionnaires.
Dans ce but, en quelques années,
entre 2019 et fin 2023, l’effectif mondial de Sanofi est passé de plus de 100
000 salariés à environ 86 000. Des pans entiers ont été cédés, vendus,
externalisés.
À propos de la cession d’Opella à
un fonds américain, le gouvernement fait un discours sur la « souveraineté
sanitaire », suivi par nombre de politiciens de tout bord disant que la France
doit et peut produire « son » Doliprane et « son » paracétamol. Ils font
semblant d’oublier que si celui-ci est aujourd’hui produit en Chine, en Inde ou
en Turquie, c’est parce que sa production est soumise à la loi du profit.
Jusqu’en 2008, Rhodia, « un des
principaux groupes de l’industrie chimique française » dit Wikipedia,
fabriquait du paracétamol à Roussillon, dans l’Isère. Mais l’atelier étant
vétuste, il aurait fallu y investir, ce que les actionnaires ont refusé. Et si,
en 2021, le groupe Sequens a pu annoncer l’ouverture d’un atelier moderne pour
produire de nouveau du paracétamol à Roussillon, c’est que le tiers des 100
millions d’investissement devait venir d’aides publiques… qui iront grossir des
intérêts privés dans un système où ils sont les seuls à compter.
Sophie Gargan (Lutte ouvrière
n°2933)