Algérie :
réactions contre la répression
Publié le 09/10/2024
En Algérie, après l’élection
présidentielle qui a reconduit Tebboune, et qui a été marquée par une
abstention massive, la police a procédé à une vague d’arrestations.
Alors que la campagne électorale
s’était déroulée dans l’indifférence générale, les résultats et les magouilles
pour masquer l’ampleur de l’abstention ont donné lieu à de nombreuses réactions
et commentaires sur les réseaux sociaux. Inquiète que ces réactions ne
deviennent incontrôlables, la police a traqué et arrêté les auteurs de
certaines publications.
Au lieu d’apaiser le climat de
peur qui prévalait avant l’élection, l’arrestation d’un jeune rappeur à Annaba
et celle d’une militante à Touggourt ont au contraire déclenché des réactions
populaires inédites depuis le Hirak – le mouvement de contestation populaire né
en 2019 contre la candidature de Bouteflika à un cinquième mandat.
Le 27 septembre, à
Touggourt, une ville du Sahara, c’est Abla Guemari, une figure locale du Hirak,
accusée « d’apologie du terrorisme », qui a été arrêtée sur son lieu de
travail. Depuis cinq ans, elle subit un harcèlement policier et judiciaire,
pour avoir dénoncé la pauvreté dans laquelle vivent bien des populations du sud
du pays. Celles-ci se considèrent comme marginalisées alors que sous leurs
pieds le sous-sol regorge de pétrole, de gaz, de minerais de fer et d’or dont
elles ne profitent pas. C’est pourquoi le 2 octobre,
des femmes n’ont pas hésité à braver la répression
en manifestant dans les rues de Touggourt, pour soutenir celle qui, avec
courage, fait connaître leurs souffrances,
À Annaba, dans l’est du pays, ce
sont les mots crus du rappeur Ahmed Djenidi, alias DAK, qui ont été le prétexte
à son emprisonnement. Mais on reproche surtout à sa chanson très populaire Sawt
al-Chaab (La Voix du peuple), de dénoncer le mépris, l’arbitraire, la mal vie
et la déshérence sociale qui frappe la jeunesse. Une vaste campagne de
solidarité, portée par le hashtag #freeDAK, s’est propagée à tout le pays. Les
influenceurs algériens aux millions d’abonnés ont été interpellés par ceux-ci
pour qu’ils s’engagent en sa faveur. À Annaba, la population lui a apporté son
soutien en tapissant les murs de la ville de pancartes « FreeDAK ». Face à
l’ampleur de ce soutien populaire inattendu, jeudi 3 octobre,
quelques jours après son
arrestation, DAK était placé sous contrôle
judiciaire et libéré.
Les médias algériens, aux ordres
du pouvoir, sont restés silencieux sur ces réactions populaires. Celles-ci,
pour l’instant limitées, expriment le profond rejet d’un régime qui, pour
s’imposer, s’est engagé dans une fuite en avant autoritaire.
Leïla Wahda (Lutte ouvrière n°2932)