Aide
sociale à l’enfance : abandonnée par l’État
Depuis des mois, les travailleurs
de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), éducateurs spécialisés, assistantes
sociales, infirmières puéricultrices, animateurs, protestent contre la
dégradation de leurs conditions de travail, et contre la baisse des moyens
consacrés à la prise en charge des mineurs.
Des débrayages ont eu lieu aux
quatre coins de la France, avec des manifestations devant les conseils départementaux,
dont dépend l’ASE.
Dans la foulée d’un documentaire
accablant sur l’un des plus gros foyers d’accueil de France, qui avait fait
scandale en janvier dernier, une députée LREM avait lancé une mission sur
l’ASE, qui vient de rendre son rapport, et le gouvernement prépare une loi
d’ici la fin de l’été pour réformer l’institution. Mais les parlementaires font
des propositions qui ne coûtent pas forcément très cher, avertit la
rapporteuse. Le secrétaire d’État à la protection de l’enfance, Taquet, enfonce
le clou : « Je n’aime pas qu’on prenne un problème en partant des
moyens. » Il affirme vouloir « une culture de l’évaluation et
de la performance » : autrement dit, faute de mettre des moyens pour
l’ASE, il compte mettre la pression sur les travailleurs, les rendant
responsables de son mauvais état.
Résultat, une assistante l’a
dénoncé dans la presse, les mesures annoncées sont dérisoires. 341 000 mineurs
sont actuellement pris en charge, dont la moitié placés dans des familles
d’accueil. Or il n’y a ni assez de foyers, ni assez de familles d’accueil. En
outre, les dispositifs de prise en charge sont saturés ou inexistants. Pour
prendre un exemple, en Seine-Saint-Denis, la durée moyenne entre un premier
signalement à l’ASE et le début d’une intervention éducative à domicile est de…
trois ans ! En novembre 2018, dans une tribune, des juges du tribunal de
Bobigny déploraient d’être devenus « des juges de mesures fictives ».
Un éducateur a de 20 à 30 enfants
à sa charge en moyenne, jusqu’à 60 dans certains départements. Il manque des
moyens pour acheter des vêtements, mettre en œuvre les prises en charge
thérapeutiques, organiser des vacances, acheter des jeux et du matériel pour
les activités des enfants, etc. Ainsi, d’après les statistiques, les deux tiers
des enfants placés sont en retard scolaire d’un an au moins à l’entrée en
sixième et, à 17 ans, presque un quart ne sont plus scolarisés. Un quart des
SDF de moins de 25 ans sont issus de l’ASE : la plupart ne sont pris en
charge que jusqu’à 18 ans, après ils se retrouvent sans logis, sans ressources,
victimes de la loi de la jungle qui règne dans la société capitaliste.
Pierre MERLET (Lutte ouvrière
n°2658)