ArcelorMittal : nationaliser ou exproprier ?
Le 27 novembre, profitant de leur niche parlementaire, les députés LFI ont fait adopter un projet de loi pour nationaliser ArcelorMittal par rachat de toutes ses actions au prix du marché, soit quelque 3 milliards d’euros.
Publié le 03/12/2025
Ce vote, par 148 voix de la gauche, l’abstention du RN et l’opposition de 40 députés macronistes, est surtout symbolique. Rejeté par le gouvernement, le projet n’a quasiment aucune chance d’être définitivement adopté. Son vote a pourtant été présenté comme « une victoire historique » par les députés de toute la gauche qui se prévalaient du soutien de 200 délégués syndicaux et quelques travailleurs du groupe Arcelor – qui en compte 15 000 dans le pays – rassemblés devant l’Assemblée.
On peut comprendre que des travailleurs, inquiets pour l’avenir après les 600 suppressions d’emplois annoncées par ArcelorMittal en avril dernier, avec des indemnités très faibles, cherchent un moyen de préserver leur avenir. Mais tous ceux, parmi les dirigeants politiques ou syndicaux, qui présentent la nationalisation comme une solution, mentent aux travailleurs, sèment des illusions et font diversion.
S’il y a un secteur industriel où la classe ouvrière a payé au prix fort l’arnaque des nationalisations, mises en œuvre par des gouvernements de droite puis de gauche, c’est bien la sidérurgie. Au début des années 1980, l’État a nationalisé les groupes Usinor et Sacilor confrontés à la chute de leur taux de profit et à la crise économique. Pour les actionnaires, en premier lieu la famille de Wendel, les nationalisations opérées en 1981 sous l’égide de la gauche, avec Mitterrand à l’Élysée, Mauroy à Matignon, et la complicité de ministres du PCF, ont été un miracle. Des installations vieillissantes ont été rachetées par l’État au prix fort, permettant à cette vieille famille bourgeoise de réinvestir ses capitaux, sans la moindre perte, dans des secteurs bien plus profitables par le biais de son fonds d’investissement.
Pour les travailleurs, la nationalisation fut une saignée. L’État s’est chargé de supprimer des dizaines de milliers d’emplois, de restructurer le secteur, notamment en fusionnant Usinor et Sacilor, en fermant des usines, ruinant des villes entières comme Longwy en Lorraine ou Denain dans le Nord. En vingt ans, entre 1976 et 1995, les effectifs de la sidérurgie sont ainsi passés de 157 000 à moins de 40 000. Après avoir fait le sale travail et financé des investissements coûteux que les capitalistes ne voulaient pas faire, en 1995 l’État a privatisé de nouveau le groupe Usinor-Sacilor, racheté dix ans plus tard par Mittal.
Jean-Luc Mélenchon, admirateur de Mitterrand, Aurélie Trouvé, rapporteure de son projet pour LFI et Sophie Binet pour la CGT, qui ont vanté cette loi devant l’Assemblée, ne peuvent ignorer que ces années de politiques publiques visant à sauver la mise aux capitalistes privés ont entraîné la désolation de régions entières. En le passant sous silence, ils mentent aux travailleurs.
Mais ils font pire : en présentant la nationalisation comme un moyen de « renforcer la souveraineté industrielle de la France et sa capacité à produire de l’acier », ils enchaînent les travailleurs derrière leurs exploiteurs et ils alimentent la campagne nationaliste et protectionniste en cours. Pour faire voter sa loi, Aurélie Trouvé a même apporté sa pierre à la propagande guerrière en déclarant « l’acier, il y en a partout, dans la défense nationale, dans les automobiles […] dépendre de pays tiers est inimaginable ».
Pour se défendre face aux menaces, les travailleurs ne peuvent sûrement pas compter sur un État au service de la bourgeoisie.
Xavier Lachau (Lutte ouvrière n°2992)
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