Macron garant des intérêts impérialistes.
Publié le 29/05/2024
Mardi 28 mai, deux semaines après le début de la révolte des Kanaks contre la suppression du gel du corps électoral, l’état d’urgence a été levé en Nouvelle-Calédonie, mais le couvre-feu a été maintenu de 18 heures à 6 heures du matin.
Les rassemblements sont toujours interdits et 480 gendarmes mobiles supplémentaires devaient arriver de France, portant les effectifs à près de 3 500 policiers et gendarmes, pour une population totale de seulement 272 000 habitants dans le territoire.
Le haut commissaire, représentant de l’État français en Nouvelle-Calédonie, a précisé que la levée de l’état d’urgence doit « permettre les réunions des différentes composantes du FLNKS et les déplacements sur les barrages des élus ou responsables en mesure d’appeler à leur levée ». Il compte, en plus de la répression, des violences et des 460 arrestations opérées par ses troupes depuis le 13 mai, sur les notables kanaks pour éteindre l’incendie que le gouvernement a allumé.
De fait, la visite de Macron sur l’archipel le 23 mai n’a manifestement pas réussi à calmer la colère, loin de là. Sous la pression de la mobilisation des Kanaks et d’une fraction de la jeunesse calédonienne, le président a dû changer de ton. Il a reçu tous les partis, y compris des responsables kanaks alors assignés à résidence, qualifiés de mafieux par Darmanin quelques jours plus tôt. Mais, sur le fond, il a donné satisfaction à la droite dite loyaliste, en affirmant que la révision du corps électoral qui la favorise serait maintenue, mais en lui demandant de négocier, en un mois, un « accord global », c’est-à-dire d’accorder des contreparties aux partis kanaks et océaniens au sein des institutions calédoniennes.
Mais si une partie des notables kanaks ont jugé la réponse de Macron satisfaisante, ce n’est pas le cas de nombreux Kanaks et de jeunes qui ont maintenu leur mobilisation. Pour eux, il n’y a pas de négociation possible, ils veulent le retrait de ce projet de dégel du corps électoral, ou rien, car leur avenir n’a pas à se décider à 17 000 km de chez eux, en les noyant sous le nombre, comme l’État français le fait depuis plusieurs décennies. Pendant plusieurs jours, ils ont reconstitué les barrages que les gendarmes déblayaient lors de véritables opérations militaires. La réouverture de l’aéroport a ainsi été plusieurs fois repoussée, la route y menant étant de nouveau coupée après le passage des militaires.
La visite de Macron avait aussi pour but de rassurer le patronat local. Alors que ce patronat, la plupart du temps d’origine européenne, ou caldoche, surexploitant les Kanaks, cultivant le racisme et les discriminations, est aussi responsable des émeutes, l’État le soutiendra en mettant la main à la poche pour réparer les dégâts. Ni le haut-commissaire ni Macron n’ont rien eu à dire contre les milices qui se sont constituées du côté caldoche mais, pour les jeunes révoltés, il n’y aura par contre « pas d’impunité ».
En affirmant qu’il ne s’attendait pas au fait que « l’opposition au dégel puisse atteindre une telle violence », Macron n’a fait qu’exprimer tout le mépris des représentants des classes dominantes, qui sont toujours surpris quand les opprimés se révoltent. Il a poursuivi en affirmant qu’il n’était d’ailleurs « pas sûr que ces jeunes sont impliqués dans cette violence pour l’unique question du dégel du corps électoral ». En effet, la révolte de la jeunesse et des Kanaks est aussi une révolte sociale, contre l’oppression et les discriminations qu’engendre la domination de la bourgeoisie française et caldoche. En Nouvelle- Calédonie, dans cette société où la richesse, les terres et le pouvoir leur ont été volés, la jeunesse kanake est laissée sans espoir.
Le niveau de vie dans les provinces kanakes est de 40 % inférieur à celui de Nouméa, moins de 25 % des Kanaks ont le baccalauréat, alors que 75 % des enfants l’ont dans les autres communautés. Par-delà celles-ci, seule l’union des travailleurs autour de leurs intérêts de classe peut mettre fin à cette société d’oppression.
Serge Benham (Lutte ouvrière n°2913)
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