Lutte ouvrière dans les élections européennes
Comme à chaque renouvellement depuis 1979, Lutte ouvrière sera présente lors des élections au Parlement européen des 8 et 9 juin prochains. Dans la situation combinée de décomposition de l’économie capitaliste et de marche à la guerre, la présence d’une liste communiste, c’est-à-dire révolutionnaire et internationaliste, est vitale. Elle permettra à tous ceux qui combattent cette Europe faite par et pour les capitalistes, mais récusent la propagande souverainiste et nationaliste, de voter pour la défense des intérêts fondamentaux de leur classe.
Un attelage de brigands dominé par l’impérialisme américain
Près de soixante-dix ans après le traité de Rome créant la Communauté économique européenne, et un quart de siècle après la mise en circulation de l’euro dans le cadre de l’Union européenne (UE), la bourgeoisie reste incapable d’unifier le continent.
L’existence d’un marché unique, puis l’intégration de nouveaux pays, en particulier les anciennes Démocraties populaires à partir de 2004, n’ont mis un terme ni aux inégalités de développement ni à la concurrence que se mènent dans cette arène les plus grands groupes capitalistes ainsi que les États qui en défendent les intérêts.
Derrière le paravent des institutions et une unité de façade qui se fissure un peu plus à chaque crise, ce sont toujours les rapports de force et les rivalités pour la conquête des marchés qui dominent. Alors que ses initiateurs prétendaient transformer l’Europe en une puissance rivalisant avec celle des États-Unis, l’impérialisme américain demeure le parrain et l’arbitre de ces rivalités.
Dans la guerre qui ensanglante l’Ukraine, les principales puissances de l’UE se sont alignées derrière lui contre Poutine. Mais chaque État intervient pour le compte de ses marchands d’armes ou de ses groupes du BTP qui lorgnent les bénéfices à venir d’une future reconstruction. Chacun, y compris le Royaume-Uni qui, n’appartenant plus à l’UE, a les coudées d’autant plus franches, tente de placer ses pions et d’écarter ceux de ses concurrents, dans la mesure où la puissance américaine leur en laisse la possibilité. C’est peut-être pour cela que Macron, après avoir longtemps mis en scène ses échanges avec Poutine, se pose aujourd’hui aux avant-postes du soutien à Zelensky, allant jusqu’à réfléchir à haute voix à l’envoi de troupes, préparant ainsi les esprits à une confrontation directe avec la Russie.
Alléchés par la militarisation au pas cadencé des budgets et le passage à une forme d’économie de guerre, les Dassault, Thales, Airbus espèrent vendre encore plus d’engins de mort. Mais, après d’autres, l’Allemagne, avec laquelle la France est censée former un « couple » uni depuis des décennies garantissant la stabilité de l’Europe, a ainsi préféré les F35 américains aux Rafale français. L’impérialisme américain a en effet infiniment plus de moyens d’imposer ses choix aux vingt-six autres États de l’UE. Quant à l’OTAN, mise sur pied pour contrer l’URSS à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, elle est aujourd’hui renforcée en tant qu’instrument de cette domination, par un commandement unifié, des bases et des systèmes d’armes conçus pour ses États membres.
Il en va de même dans le secteur de l’énergie, où la dépendance de l’Allemagne envers les livraisons de gaz russe s’est transformée en un assujettissement aux livraisons venant des États-Unis. Dans le secteur du nucléaire, ces derniers menacent désormais de sanctionner les entreprises qui continueraient à avoir recours à la société russe Rosatom pour s’alimenter en uranium enrichi, indispensable au fonctionnement des centrales nucléaires. Le trust Westinghouse manœuvre en coulisse pour imposer « son » uranium.
Les différents États de l’UE s’affrontent enfin de façon permanente à coups de milliards d’aides pour attirer capitaux et investissements. Là encore, ce sont les rapports de force d’État à État à l’intérieur du continent et avec l’impérialisme américain qui dictent leur loi. Avec son Inflation Reduction Act (IRA), Biden a suscité notamment une « marée de projets industriels » (selon Les Échos) sur le sol américain.
Les rivalités entre capitalistes et les crises successives n’ont fait que fragiliser et morceler davantage l’Europe. Penser que le capitalisme puisse unifier ce continent serait lui prêter un caractère progressiste qu’il n’a plus depuis longtemps. Mais ce morcellement laisse entre les mains de chaque bourgeoisie un État bien à elle, qui lui est indispensable dans la guerre économique contre ses rivales et contre les travailleurs.
Combattre le souverainisme et le nationalisme
La France insoumise et le Parti communiste prétendent que nombre des problèmes rencontrés par les classes populaires seraient dus à l’Europe, voire aux traités européens. Comme si cette Europe, qui réunit plusieurs des principales puissances économiques de la planète, pouvait être autre chose qu’une Europe capitaliste ! Comme si les travailleurs avaient eu un jour le moindre contrôle sur l’économie, sur la politique de l’État et des multinationales !
Ceux qui, de la gauche à l’extrême droite, mettent en avant le patriotisme, au nom de la défense du pouvoir d’achat, de l’emploi ou de l’écologie, sont des ennemis déclarés ou des faux amis des travailleurs. Le souverainisme, accommodé à toutes les sauces, place les travailleurs derrière une politique de défense de l’industrie nationale, c’est-à-dire du grand patronat. Les frontières ne nous protègent pas : elles divisent la classe ouvrière et donc l’affaiblissent.
Qu’auraient à gagner les travailleurs avec l’élévation des droits de douane proposée par le Rassemblement national, le PCF et La France insoumise ? Prétendre produire français est par ailleurs un non-sens doublé d’une stupidité sans bornes, car les frontières sont un carcan dans lequel l’économie de chaque pays étouffe. Qu’y a-t-il de français dans une automobile fabriquée à partir de minerai de fer d’Afrique, de caoutchouc d’Asie et de plastiques tirés du pétrole du Moyen-Orient fabriqués par des ouvriers issus de tous les continents. Les travailleurs créent et font circuler toutes les marchandises : le problème est de prendre le contrôle de la production et de la planifier en fonction des besoins de l’humanité à l’échelle du monde.
Sous la pression de l’extrême droite et pour détourner la colère des opinions publiques, les gouvernements de gauche et de droite de l’UE ont également adopté des lois de plus en plus répressives envers les migrants. Ces soi-disant démocrates ont de belles manières, de beaux costumes, évoquent la bienveillance, la démocratie. Mais l’Europe s’est hérissée de murs et de frontières, pour empêcher les pauvres et les persécutés d’y trouver une certaine protection. Des milliers de femmes et d’hommes meurent chaque année en Méditerranée et dans la Manche. Quand ils parviennent à franchir ces obstacles, ils sont enfermés dans des camps sordides et soumis à des contrôles incessants. Pour parachever le tout, les dirigeants européens ont passé des accords, milliards à l’appui, avec les dictateurs du pourtour méditerranéen pour qu’ils parquent ces millions de damnés de la terre condamnés par le capitalisme à la famine, à subir les guerres et la barbarie.
Y mettre fin implique là encore d’arracher le pouvoir aux bourgeoisies qui dirigent, sans pouvoir la maîtriser, une organisation économique de plus en plus folle. C’est l’axe fondamental de notre campagne.
Pour une Europe des travailleurs débarrassée du capitalisme
À l’Europe du capital, nous devons opposer l’Europe des travailleurs. Cela signifie faire renaître une conscience socialiste, c’est-à-dire la conviction que la société est fondamentalement divisée en deux classes aux intérêts irréductibles : la bourgeoisie d’un côté, le prolétariat de l’autre.
Nous devons affirmer que les conditions de vie des travailleurs sont attaquées du seul fait de la rapacité des capitalistes. Face aux démagogues nationalistes de toute espèce, il faut affirmer que les frontières nationales ne sont que des obstacles, qu’elles ne protègent les travailleurs ni de l’exploitation ni de la pauvreté. Nous devons convaincre notre classe qu’il n’y aura pas d’échappatoire tant que dominera la dictature du capital, que les travailleurs qui produisent toutes les richesses de la société doivent la diriger et la contrôler.
Les élections européennes ne permettront de stopper ni la guerre dont les travailleurs d’Ukraine et de Russie sont les premières victimes, et que nous payons déjà, ni la guerre sociale engagée par le capital. Mais les voix qui se porteront sur la liste Lutte ouvrière – Le camp des travailleurs montreront qu’il existe une fraction résolue à dénoncer la marche vers une guerre généralisée où nous entraînent les capitalistes et leurs larbins politiques. Mener une campagne militante autour de cette perspective est un moyen d’œuvrer à la construction du parti ouvrier communiste révolutionnaire qui fait cruellement défaut à la classe ouvrière.
6 mai 2024 (Lutte de classe, n°240)
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