Presstalis
: salariés, kiosquiers, lecteurs sacrifiés
19 Mai 2020
Le 15 mai, le tribunal de commerce
de Paris a placé Presstalis, premier distributeur de presse du pays, en
redressement judiciaire et fermé des filiales en province. Sur 910 postes, 645
seraient supprimés en conséquence, majoritairement en province. Des salariés
ont déclenché le 11 mai une grève contre ces suppressions d’emplois.
Le tribunal a retenu le plan de
« sauvetage » plébiscité par la direction de l’entreprise et a refusé
le délai demandé par les militants CGT. Ce plan, proposé par les grands
quotidiens nationaux, vise à soutenir ce réseau de distribution comme la corde
soutient le pendu.
Il n’a aucune considération pour
le devenir des travailleurs qui seraient licenciés, un tiers des effectifs au
siège à Paris et dans les activités de groupage distribution à Bobigny et la
totalité des effectifs des filiales en province. Ses concepteurs, grands
quotidiens de la presse bourgeoise et PDG de Presstalis, n’ont pas plus de
considération pour les 22 000 marchands, en particulier les petits
kiosquiers. Ceux-ci n’ont guère le choix de ce qui leur est livré et ne gagnent
pas leur vie avec les quotidiens papier, qui demandent beaucoup de manutention
et sont peu rémunérateurs. Le plan n’en a pas non plus pour les lecteurs, qui
sont priés de se contenter de ce qu’on leur propose ou d’aller voir sur
Internet, ce que beaucoup font déjà par commodité ou obligation.
Presstalis, qui a succédé aux
NMPP (Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne) il y a plus de dix ans,
héritait d’un système coopératif de distribution mutualisée, mis en place à la
fin de la Deuxième Guerre mondiale et dans lequel les plus gros payaient un peu
pour les plus petits afin que la presse, toute la presse, soit à disposition
des lecteurs jusque dans le plus petit village disposant d’un vendeur de
journaux. Les groupes capitalistes éditeurs n’ont eu de cesse de remettre en
cause ce système, car pour leur rentabilité, ils ne supportaient pas la
mutualisation. C’était de leur point de vue payer pour les petites publications
sans moyens, souvent d’opinion peu appréciée des magnats de la presse, comme,
entre autres, Lutte ouvrière qui fut longtemps distribuée par ce canal,
avant que le coût n’en devienne exorbitant.
Outre la liberté de lire ce qu’on
veut, sans coût supplémentaire, les actionnaires de Presstalis, éditeurs des grands
quotidiens et magazines à gros tirage, ont sacrifié au passage des milliers
d’emplois de travailleurs qui se sont battus pour ne pas être jetés à la rue
d’abord, puis pour arracher un accompagnement. Le soutien de l’État, de moins
en moins généreux, se résume désormais à un prêt de 35 millions d’euros.
La solution serait de faire payer
les grands groupes de presse – comme l’Opinion, La Provence, Artemis, etc.-et
les Arnault, Niel, Bolloré, etc., qui les possèdent et débordent de richesses.
Ce n’est évidemment pas sur le tribunal de commerce ni sur les représentants de
l’État qu’il faudra compter pour cela.
Viviane LAFONT
(Lutte ouvrière n°2703)
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