Italie :
la maladie du système de santé
11 Mars 2020
Depuis le mardi 10 mars, des
mesures de confinement s’appliquent dans toute l’Italie. En un développement
explosif, l’épidémie avait d’ores et déjà contaminé le 10 mars plus de 10 000
personnes et provoqué 631 décès.
La logique des mesures annoncées
par le Premier ministre Giuseppe Conte le 9 mars, est de « rester à la
maison », autrement dit de limiter au maximum les déplacements, pour
tenter d’enrayer l’extension de l’épidémie. Pour se déplacer, il faudra le
justifier par des impératifs professionnels ou de santé.
Une bonne partie de l’activité
sociale et économique du pays est donc suspendue, au moins jusqu’au 3 avril.
Tous les établissements scolaires, tous les équipements sportifs et culturels
sont fermés. Des restrictions sur les horaires d’ouverture des bars et des
restaurants, ainsi que des supermarchés et boutiques, sont également
appliquées. Tous les offices religieux sont annulés et les sacrements reportés.
Même le sacrosaint football a dû s’incliner et reporter tous les matches, dont
ceux de la série A, le championnat national italien.
Avec des accents d’union
nationale en temps de guerre, le gouvernement en appelle à la responsabilité
individuelle pour que chacun applique les mesures de son décret, et menace
d’amendes et de sanctions ceux qui les enfreignent sans motif valable. En fait,
chacun continuera de se déplacer pour aller au travail, quelles que soient les
difficultés entraînées, par exemple pour garder les enfants dont les écoles
sont fermées.
Conte clame que tous les Italiens
sont égaux devant la menace du virus et doivent donc s’unir dans un même élan
pour le combattre. Mais cette situation d’urgence souligne les inégalités de la
société. À l’annonce des interdictions de visite, des mutineries ont explosé
dans plusieurs prisons, dont les détenus dénoncent les conditions de
surpopulation, et donc les risques de contamination auxquels ils restent
exposés. Les associations caritatives soulignent de leur côté que les mesures
d’hygiène élémentaires pour éviter la contagion sont difficiles ou impossibles
à mettre en place pour les plus pauvres, à commencer par les personnes sans
domicile.
Quant au système sanitaire, dont
les politiciens de tout bord vantent l’excellence, il menace de craquer. Après
des années de budgets d’austérité et de coupes des effectifs dans les hôpitaux
jugés « gouffres financiers », les structures hospitalières des régions
du nord, comme la Lombardie, une des mieux dotées, mais aussi une de celles
dont la privatisation du système de santé a été la plus engagée, sont au bord
de l’asphyxie. Et dans le sud du pays, délaissé par les pouvoirs publics et
moins riche que les régions du nord actuellement les plus touchées par
l’épidémie, il serait encore plus difficile pour le personnel hospitalier de
faire face à une éventuelle propagation du virus. Les mesures du gouvernement
visent à empêcher l’extension de l’épidémie au Sud, mais elles pourraient bien
arriver trop tard.
Les décrets autorisent l’embauche
de 20 000 soignants supplémentaires, en contrats à durée déterminée, et le
dépassement du nombre d’heures supplémentaires, en promettant de les payer
50 % de plus. « Nous serons bien contents de voir arriver des bras
supplémentaires, mais nous souffrons aussi d’une pénurie de lits et de
matériel, que nous dénonçons depuis des années », faisait remarquer une
infirmière d’un hôpital d’Émilie-Romagne. Les déclarations officielles ne
manquent jamais de rendre hommage à l’esprit de sacrifice et au dévouement du
personnel médical, appelé à se dépenser sans compter. Cependant, le manque de
matériel adapté au traitement de la maladie devient déjà dramatique en
particulier pour l’aide respiratoire, au point que des médecins ont déjà parlé
de faire des choix… entre les malades pouvant encore être soignés et ceux, plus
âgés par exemple, ne laissant plus guère d’espoir. Ainsi, soulignait la même
infirmière, « quand il faudra décider de qui pourra bénéficier d’un appareil
d’assistance respiratoire et qui non, c’est nous qui devrons assumer ces
choix-là, pas ceux qui nous ont expliqué depuis des années qu’il fallait se
résigner à s’en passer ! ». L’épidémie de coronavirus met au grand
jour les insuffisances d’un système de santé sacrifié depuis des années à des
impératifs budgétaires et financiers.
Nadia CANTALE (Lutte ouvrière
n°2693)
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