A PSA Aulnay, «on termine debout, la tête haute»
INTERVIEW
Pour Jean-Pierre Mercier, délégué syndical CGT, la grève prend fin
après quatre mois de lutte, mais le combat continue. La caisse de
solidarité a récolté 900 000 euros, signe d'un « énorme soutien
populaire ».
Par CHRISTIAN LOSSON
Jean-Pierre
Mercier est le délégué syndical CGT du site PSA Aulnay. Il revient,
pour Libération, sur la «suspension» de la grève, après quatre mois de
lutte, décidée ce mardi. La direction de PSA et la CGT ont en effet
signé vendredi un accord mettant un terme au conflit, émaillé
d'incidents, qui avait démarré mi-janvier. Le travail doit reprendre dès
mardi matin.
« On était 600 grévistes au début du combat, on a quand terminé à plus de 200, avec un fort soutien des non-grévistes », dit-il. « Ce conflit ne concernait plus que 130 grévistes sur 2 500 salariés », assure de son côté la direction.
Avez-vous le sentiment d’abdiquer la mort dans l’âme ou d’en sortir vainqueur, par le haut ?
Ni
l’un ni l’autre. On a la conviction d’être fiers d’avoir mené quatre
mois de lutte face une direction dont l’actionnaire principal, la
famille Peugeot, est l’une des familles les plus puissantes et les plus
riches de France. On n’a pas eu la force nécessaire pour mettre Peugeot à
genoux, mais on l’a mis en échec pendant quatre mois et on termine
debout, la tête haute. Les seuls combats que l’on ne gagne pas sont ceux
que l’on ne mène pas.
Quelles concessions avez-vous obtenu de la direction ?
Pas
mal de choses. Pour les salariés concernés par le plan social, on a
obtenu un rallongement de la prime de licenciement supra-légale de 6 à
12 mois, une prime de mutation de 5 000 euros non imposables, un départ
anticipé pour les travailleurs âgés passé de 30 à 36 mois. Pour les
grévistes, on s’est battu et on arraché la réintégration de 4 salariés
scandaleusement licenciés; l’annulation des procédures de licenciement
et des poursuites pénales et disciplinaires. On a obtenu des garanties
écrites pour les mutations et une indemnité forfaitaire pour ceux qui
souhaiteraient quitter l’entreprise avant le 31 mai.
Qu’est ce qui vous a manqué comme soutien interne ou externe ?
Que
la grève ne s’élargisse pas à l’ensemble du groupe et de la filière
automobile. Faire reculer Peugeot sur une fermeture d’usine était très
difficile, même si vital. Cette fermeture reste injustifiable et le
combat ne s’arrête pas; on reste encore plus regonflés après avoir
appris à se battre pendant 4 mois, ce qui est rare et énorme. On a eu un
soutien populaire large auprès du monde du travail. La caisse de grève a
récolté près de 900 000 euros ! Ce qui a permis que la grève tienne et
d’amortir les pertes financières. On a gagné le paiement des journées de
chômage, des congés payés, la prime de 13e mois.
Vous avez pourtant multiplié les actions au delà du site pour tenter de polléniser la lutte...
On
a saisi toute les occasions : on a été accueilli chaleureusement par
les Renault Flins, les sous-traitants Geodis ou Faurecia. On a
sensibilisé les automobilistes dans des barrières de péages. On a fait
plusieurs actions en direction du pouvoir politique, notamment au PS,
pour dénoncer sa complicité active : depuis le début de la grève, le
gouvernement a tenté de mettre des batons dans les roues de notre
mobilisation. Il a tenté de casser la dynamique en convoquant des
militants dans des commissariats. On a été traités comme des délinquants
alors que notre combat est le combat contre le chômage et pour
l’emploi...
C’est la fin d’un chapitre ou de l’histoire dans la lutte à Aulnay ?
La
fin d’une étape. On est allé au plus loin pour arracher le maximum à la
direction, même si on n’a pas pu faire reculer PSA sur la fermeture de
l’usine ou obtenir un CDI pour tous et une pré-retraite à 55 ans. Le
protocole de fin de grève signé avec la direction ne règle aucun
problème sur l’emploi et les indemnités financières. Le combat continue
et la direction le sait bien : en 4 mois, elle a perdu 40 000 véhicules
et elle sait qu’on restera mobilisés.
Source:
Date de publication:
17/05/2013
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire