lundi 15 avril 2013

Editorial des bulletins d'entreprise Lutte Ouvrière daté du 15.04.13.



Pour une vraie transparence : contrôle des travailleurs sur les comptes des entreprises et de la bourgeoisie

Face aux rumeurs et aux doutes persistants quant au rôle de Moscovici et à la responsabilité de Hollande et d’Ayrault dans l’affaire Cahuzac, le gouvernement s’est lancé dans une opération « mains propres », la première étape étant la publication du patrimoine des ministres.
     La gauche comme la droite ont fait de cette publication un évènement majeur. « Il y aura un avant et un après l’affaire Cahuzac », a déclaré Marisol Touraine, la ministre de la Santé. Michel Sapin, le ministre du Travail, a parlé « d’un moment d’exorcisme collectif » ! Quant aux députés, ils sont nombreux, à droite surtout, à dénoncer « le voyeurisme » et « la chasse aux riches ».
     Quel cinéma ! La transparence proposée est banale : elle existe dans 24 pays européens. Et quelle hypocrisie ! Ces Messieurs-dames ne nous montrent que ce qu’ils veulent.
     On mesure déjà le ridicule de l’opération en voyant certains ministres et députés déclarer qu’ils n’ont rien sur leur compte courant et presque pas d’épargne ; ou qu’ils ne possèdent qu’une modeste maison et une vieille voiture. Et ce, alors qu’un simple député touche une indemnité parlementaire de 5 200 € nets à laquelle s’ajoutent 6 400 € bruts d’indemnité pour le loyer, les frais de réception, d’habillement, et alors qu’ils se font rembourser leurs frais de transport !
     Sous couvert d’opération transparence, on ne connaîtra qu’une petite partie de la réalité. Mais il fallait entendre Henri Guaino, député UMP des Yvelines et ancien conseiller de Sarkozy, survolté contre cette mesure qui va faire de la société, « une société du soupçon, de la suspicion, de la présomption de culpabilité ». Et de rajouter que c’est « la maladie mortelle de la démocratie, de la République et des peuples libres » !
     La publication du patrimoine des élus ne révèlera pas toute la vérité mais elle aura au moins eu le mérite de révéler l’état d’esprit de ces gens-là !
     Les travailleurs ne peuvent rien cacher de leurs comptes. Leur patron peut tout savoir d’eux. Leur banquier s’immisce jusque dans leur intimité, comme les organismes sociaux auprès de qui il faut déclarer le moindre euro perçu. La bourgeoisie et les politiciens trouvent cela tout à fait normal mais dès qu’il s’agit d’eux-mêmes, de leur argent et de leur vie, ils montent sur leurs grands chevaux.
     Les Copé, Guaino et compagnie expriment mieux que quiconque l’état d’esprit de la bourgeoisie qui ne supporte pas que la population puisse mettre le nez dans ses comptes, connaître l’origine de sa richesse et prendre la mesure de son parasitisme.
Oui, il faut une transparence totale, mais cette transparence doit s’exercer vis-à-vis de l’ensemble de la bourgeoisie, surtout la grande. Pourquoi fallait-il attendre un scandale familial pour découvrir que Madame Bettencourt, une des premières fortunes du pays, touche un million d’euros par jour, tiré des bénéfices des entreprises, dont ceux des groupes L’Oréal et Sanofi, et issu du travail de dizaines de milliers de salariés ?
     Oui, il faut une transparence totale, mais celle-ci ne passera que par le contrôle effectué par la population, par les salariés des banques, par les comptables des groupes capitalistes.
     Il y en a bien qui défendent la levée du secret bancaire, mais il ne s’agit que de donner la possibilité à quelques hauts-fonctionnaires d’accéder aux comptes suspects, jamais de permettre aux employés de banque de rendre publiques les informations qu’ils détiennent.
     Ils ne veulent pas du contrôle direct des travailleurs. Et pour cause ! Si ce contrôle était exercé par les employés eux-mêmes, les travailleurs pourraient non seulement contrôler les comptes des politiciens et de la bourgeoisie mais ils pourraient savoir d’où vient l’argent. Ils pourraient savoir à qui les banques font des facilités, pourquoi untel décroche un taux d’intérêt préférentiel, pourquoi le même établissement qui prête des millions à des Bernard Tapie refuse un découvert à un travailleur.
Ce contrôle révèlerait que, dans cette période de crise, alors que l’on nous dit qu’il n’y a plus d’argent pour préserver les emplois, payer des salaires et des retraites corrects, cet argent existe bel et bien dans les caisses des grands groupes capitalistes ou sur les comptes des grandes fortunes.
     Et, surtout, ce contrôle permettrait de dévoiler le plus grand scandale de notre société : le mécanisme de l’exploitation qui concentre les richesses entre les mains d’une minorité privilégiée, au détriment du plus grand nombre.


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