Septembre
1917 : face à la catastrophe imminente
Plus de six mois après février
1917, la crise est générale en Russie, notamment sur le plan économique. En
même temps que l’influence de la politique des bolcheviks croît dans les
soviets, les capitalistes sabotent l’économie, aidés par l’inaction du gouvernement
provisoire. Dans cette situation où la lutte entre les classes sociales
s’exacerbe, Lénine écrit La catastrophe imminente et les moyens de la
conjurer. Il y affirme que, face à la passivité du gouvernement et aux
manœuvres de la bourgeoisie, le prolétariat révolutionnaire doit imposer le
contrôle et la surveillance de l’économie. C’est le seul moyen d’éviter la
crise généralisée, tout en ralliant à la cause de la révolution la masse des
paysans pauvres.
« La Russie est menacée d’une
catastrophe certaine. Les transports ferroviaires sont incroyablement
désorganisés et cette désorganisation s’aggrave. (…) Sciemment, sans relâche,
les capitalistes sabotent la production, dans l’espoir que cette catastrophe
sans précédent entraînera la faillite de la République et de la démocratie des
soviets et, en général, des associations prolétariennes et paysannes, en
facilitant le retour à la monarchie et à la restauration de la toute-puissance
de la bourgeoisie et des grands propriétaires fonciers. (…)
Or, il suffit d’un minimum
d’attention et de réflexion pour se convaincre qu’il existe des moyens de
combattre la catastrophe et la famine, que les mesures à prendre sont tout à
fait claires, simples, parfaitement réalisables, pleinement à la mesure des
forces du peuple, et que si ces mesures ne sont pas prises, c’est uniquement et
exclusivement parce que leur application porterait atteinte aux profits
exorbitants d’une poignée de grands propriétaires fonciers et de capitalistes.
(…)
Cette mesure, c’est le contrôle,
la surveillance, le recensement, la réglementation par l’État ; la répartition
rationnelle de la main-d’œuvre dans la production et la distribution des
produits, l’économie des forces populaires, la suppression de tout gaspillage
de ces forces, qu’il faut ménager. Le contrôle, la surveillance, le
recensement, voilà le premier mot de la lutte contre la catastrophe et la
famine. (…)
Pour mieux faire comprendre cette
question capitale (qui est en somme la question du programme de tout
gouvernement vraiment révolutionnaire désireux de sauver la Russie de la guerre
et de la famine), nous allons énumérer ces principales mesures de contrôle et
les examiner l’une après l’autre.
Nous verrons qu’il aurait suffi à
un gouvernement intitulé démocratique révolutionnaire autrement que par
dérision, de décréter dès la première semaine de son existence l’application
des principales mesures de contrôle, d’établir des sanctions sérieuses, des
sanctions d’importance contre les capitalistes qui essaient de se soustraire
frauduleusement à ce contrôle, et d’inviter la population à surveiller
elle-même les capitalistes, à veiller à ce qu’ils se conforment scrupuleusement
aux décisions sur le contrôle, pour que celui-ci soit depuis longtemps appliqué
en Russie ».
Lénine énumérait ensuite et
développait les principales mesures permettant ce contrôle des masses sur
l’économie, parmi lesquelles la fusion de toutes les banques en une seule dont
les opérations seraient contrôlées par l’État, la nationalisation des
groupements monopolistes capitalistes les plus importants, la suppression du
secret commercial.
À propos des banques, il
soulignait : « Seul le contrôle exercé sur la banque, ce centre, ce
principal pivot et ce mécanisme essentiel du trafic capitaliste, permettrait
d’organiser, dans les faits et non en paroles, le contrôle de toute la vie
économique, de la production et de la répartition des principaux produits ; il
permettrait d’organiser la réglementation de la vie économique qui, sans cela,
est infailliblement vouée à n’être qu’une phrase ministérielle destinée à duper
le bon peuple ».
Le texte se concluait ainsi : «
Dans la Russie actuelle, la démocratie doit, pour être vraiment
révolutionnaire, s’unir étroitement au prolétariat, le soutenir dans la lutte
qu’il mène en tant que seule classe révolutionnaire jusqu’au bout.
Telle est la conclusion où
conduit l’examen des moyens de conjurer une catastrophe imminente d’une ampleur
inouïe. La guerre a engendré une crise si étendue, bandé à tel point les forces
matérielles et morales du peuple, porté des coups si rudes à toute
l’organisation sociale actuelle, que l’humanité se trouve placée devant cette
alternative : ou bien périr, ou bien confier son sort à la classe la plus
révolutionnaire, afin de passer aussi rapidement et radicalement que possible à
un mode supérieur de production. »