"Prolétaires de tous les pays, unissons-nous"
Premier mai : tout autre chose que la « fête du muguet »
Aujourd'hui, le Premier mai représente, pour beaucoup, la fête
du muguet et du travail. Si on en est arrivé là, c'est que des
dictatures -- Hitler en Allemagne puis Pétain en France -- ont tout
fait pour effacer ce qui était au départ, pour le mouvement ouvrier, une
journée internationale de lutte. Le symbole en était l'églantine qui,
avec le coquelicot, représentait la fleur rouge
symbolique du prolétariat en lutte.
Le mouvement ouvrier américain avait fait du 1er mai 1886
une journée de lutte pour la limitation de la journée de travail à 8
heures. Les grèves, ce jour-là, furent durement réprimées
et à Chicago, des militants furent pendus. L'initiative fut reprise en
1889 et, dès le Premier mai de l'année suivante, à l'initiative de
l'Internationale nouvellement créée -- la deuxième
Internationale -- des centaines de milliers de travailleurs se
rassemblèrent à travers le monde. Le 1er mai 1891, l'armée
tira sur la foule à Fourmies, dans le Nord de la France, mais ne
parvint pas à museler le mouvement ouvrier. Un nouveau congrès
international décida d'élargir le mouvement pour que s'enracine la
conscience d'appartenir à une même classe sociale, la classe ouvrière,
et la nécessité d'une lutte commune pour son émancipation.
Mis à mal par la trahison des dirigeants socialistes qui se
rallièrent, lors de la Première Guerre mondiale en 1914, à leur
bourgeoisie, le Premier mai ressurgit en Allemagne en 1916 quand le
révolutionnaire Karl Liebknecht s'adressa aux travailleurs de Berlin
dans une manifestation publique : « (...) Travailleurs, camarades, et
vous femmes du peuple, ne laissez pas passer cette fête de
mai, la seconde de la guerre, sans l'employer à une manifestation du
socialisme international, à une protestation contre le massacre
impérialiste. En ce 1er mai, nous tendrons par-dessus
les frontières et les champs de bataille une main fraternelle au peuple
de France, de Belgique, de Russie, d'Angleterre, de Serbie, de tout
l'univers (... ) ».
Hitler, dès son arrivée au pouvoir en janvier 1933, brisa le
mouvement ouvrier. La journée de lutte du Premier mai fut remplacée, dès
cette année-là, par un jour de congé, payé intégralement, la
« fête du travail national ». Des dirigeants syndicaux en furent
complices en appelant à participer à un grand rassemblement avec les
nazis, ce qui n'empêcha pas Hitler, dès le lendemain, d'interdire
les syndicats, de faire arrêter et de torturer les militants et de
mettre à sac leurs locaux... Cette pratique fut aussi celle d'autres
dictatures comme celle de Franco en Espagne, ou Salazar au
Portugal.
Le 1er mai, façon régime nazi, inspirera Pétain. Après avoir dissous les syndicats, il décréta, en 1941, le 1er mai « fête du travail et de la concorde sociale », avec comme
symbole le muguet.
La « fête du travail » fut reconduite après la guerre, et se perpétue
encore aujourd'hui. Mais la tradition de cette journée de lutte n'a pas
disparu. Et se traduit dans presque tous les pays par
des manifestations, des grèves. Le Premier mai des travailleurs vit
toujours.
Jean SANDAY
|