Printemps
1916 : dans L’Impérialisme, Lénine dénonçait le capitalisme fauteur de guerre
Il y a cent ans, au printemps
1916, Lénine rédigeait sa brochure L’Impérialisme, stade suprême du
capitalisme. Un siècle après, cet ouvrage reste d’une actualité
brûlante.
En
pleine guerre mondiale, alors que des armées de millions d’hommes
s’affrontaient dans des carnages sans nom, alors que l’économie des pays les
plus développés s’était transformée en une vaste production d’engins de mort,
que toute la planète était mise à contribution pour la guerre, Lénine voulait
répondre à la question : « Comment en est-on arrivé là ? » À cette époque comme
aujourd’hui, les explications et les justifications de la catastrophe ne
manquaient pas. Les nationalistes accusaient le camp d’en face, d’autres
jetaient la faute sur la nature humaine ou sur celle d’un terroriste illuminé
en particulier, les plus raisonnables parlaient de folie politique et du
regrettable entêtement des gouvernements. Lénine, lui, allait au fond des
choses, en expliquant que le développement même du capitalisme avait exacerbé
la concurrence entre les différentes puissances et engendré la guerre pour le
repartage du monde.
Le
capitalisme des monopoles
Un
siècle de développement du capitalisme avait conduit au partage du monde entre
quelques grands pays et quelques puissants groupes industriels et financiers,
les monopoles. Ce nouveau stade de développement, mettant fin au capitalisme de
libre concurrence et inaugurant la prédominance du capital financier, Lénine
l’appelait l’impérialisme, reprenant un mot qui évoquait la puissance des
empires du passé et leurs méthodes de domination. Cette nouvelle époque
constituait pour lui le stade suprême du capitalisme, car il montrait la
nécessité de le dépasser pour arriver à une forme de société supérieure, le
socialisme.
Lénine
décrivait la mise en coupe réglée de la planète entière par une poignée de
détenteurs de capitaux des pays les plus riches et ajoutait que, sur la base de
cette économie, les guerres entre les puissances impérialistes concurrentes
étaient inévitables. La guerre était le moyen ultime d’ouvrir des marchés aux
marchandises et aux capitaux en quête de profits ; puisque le marché n’est pas
infini, il fallait, pour le développer, conquérir celui des autres capitalistes.
La guerre de 1914-1918 était ainsi l’expression de la nécessité, pour le jeune
impérialisme allemand, de se faire une place aux dépens des vieilles puissances
coloniales, la France et la Grande Bretagne. L’Allemagne défendait son droit à
avoir des esclaves coloniaux, la France et la Grande Bretagne leur droit à
conserver les leurs.
Pour
Lénine, il était donc vain de prétendre lutter contre la guerre au nom de
seules considérations morales, sans lutter contre le capitalisme et pour la
révolution sociale. Non seulement il fallait refuser toute union sacrée au nom
de la défense nationale, mais les révolutionnaires devaient travailler à «
transformer la guerre impérialiste en guerre civile », autre façon de dire,
comme l’avait fait le révolutionnaire allemand Karl Liebknecht : « L’ennemi
principal est dans notre pays. » Cela séparait Lénine et les bolcheviks des
pacifistes, des réformistes qui croyaient ou faisaient mine de croire possible
le retour à l’époque d’avant 1914. De même que Marx avait démontré que le
capitalisme ne pouvait pas revenir en arrière, à l’époque de l’artisanat et de
la petite propriété, Lénine démontrait que l’impérialisme ne pouvait revenir en
arrière, au capitalisme de libre concurrence, mais que de la guerre devait
sortir la révolution.
La
concentration toujours plus poussée des entreprises capitalistes, la
centralisation toujours plus grande des États impérialistes, caractéristiques
du début du 20e siècle, n’étaient pas seulement sources de guerres et
d’oppression. Elles montraient aussi que l’économie tendait à se socialiser à
l’échelle du globe et que le carcan de la propriété privée devenait obsolète.
Le maintenir coûte que coûte ne pouvait que conduire à la catastrophe. Toute
l’évolution du capitalisme montrait la nécessité de l’expropriation des
expropriateurs, une tâche que seule la classe ouvrière pouvait accomplir.
Un livre
très actuel
Le
livre de Lénine marquait un grand pas dans la compréhension des événements de
son époque et des moyens d’en sortir. De fait, en 1917, la guerre allait
déboucher sur la Révolution russe et celle-ci conduire à la fondation de
l’Internationale communiste, le parti mondial de la révolution contre le
système capitaliste. Mais cette brochure, écrite il y a un siècle, décrit aussi
le monde d’aujourd’hui d’une façon plus parlante que nombre d’articles
contemporains et, surtout, avec une claire perspective révolutionnaire. « La
construction des chemins de fer semble être une entreprise simple, naturelle,
démocratique, culturelle, civilisatrice (…). En réalité les liens
capitalistes ont fait de cette construction un instrument d’oppression pour un
milliard d’hommes, c’est-à-dire pour plus de la moitié de la population du
globe dans les pays dépendants et pour les esclaves salariés du capital dans
les pays “civilisés” », écrivait Lénine. Il suffit d’ajouter le pétrole au
chemin de fer et de multiplier par cinq le nombre des esclaves, pour décrire la
planète de 2016.
Lénine
appelle à la révolution non seulement les ouvriers des pays capitalistes
développés mais les opprimés du monde entier, les centaines de millions de
prolétaires et paysans pauvres que l’impérialisme tient sous le joug dans ses
colonies, semi-colonies et pays dominés. Cette affirmation du caractère mondial
de la révolution prolétarienne se retrouva quelques années plus tard dans la
politique de l’État ouvrier issu de la Révolution russe et dans celle de
l’Internationale communiste à ses débuts. L’intégration sans cesse plus poussée
du marché mondial, le développement de la classe ouvrière dans de nouveaux
pays, les guerres permanentes de l’impérialisme pour maintenir son ordre de
Kaboul à Bagdad, confirment aujourd’hui ce qu’écrivait Lénine.
Les
descriptions d’une bourgeoisie de plus en plus parasitaire, vivant de la tonte
des coupons de Bourse à l’ombre d’un État à son service, caractérisent toujours
les financiers contemporains. L’exploitation éhontée des petits pays par les
grands dénoncée en 1916, correspond toujours à la politique des pays
ex-colonisateurs ou même aux rapports entre membres de l’Union européenne et à
la politique extérieure des États-Unis. Lénine montrait le parasitisme de la
classe dominante bloquant le progrès, développant le militarisme,
l’expansionnisme, la réaction, et ce qu’il appelait la putréfaction de la
société, illustrée par le carnage commencé en 1914. Il démontrait
l’enchaînement de tous ces faits sociaux, la logique du développement du
capital, de la guerre et de la lutte de classe, et décelait dans ce monde en
crise l’approche de la révolution sociale.
Malgré
le temps écoulé, malgré les transformations du capitalisme et les cataclysmes
dont a été rempli ce siècle, L’Impérialisme reste d’une brûlante
actualité. À un mineur sud-africain, à un ouvrier chinois, à un lycéen marocain
ou à un chômeur de Roubaix, ce livre dit encore aujourd’hui : « Voilà ce
qu’est ce monde et ce qu’il faut faire pour le transformer. »
Paul
GALOIS (Lutte ouvrière n°2494)
Groupe d’Etude Ouvrière
Organisé à Argenteuil par Lutte ouvrière
VENDREDI 27 MAI
A 20 Heures 15
Espace Nelson MANDELA
82 bd du Gl Leclerc
« Juin 1936, le grand sursaut du monde du travail »
Un exposé suivi d’un temps de libre débat
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