Colonisation
: la barbarie du capitalisme
De Fillon
à Le Pen, en passant par Estrosi ou Dupont-Aignan, les politiciens de droite et
d’extrême droite se retrouvent tous dans la défense du colonialisme.
Les
quelques nuances apportées dépendent du lieu et de la période où les
déclarations sont faites, puisque le même Fillon, quelques jours avant Macron,
déclarait au Quotidien de La Réunion que « L’esclavage, la
colonisation, la traite des êtres humains, étaient des abominations. » Mais
Marine Le Pen a parlé de « crime contre son propre pays » pour les
paroles de Macron à Alger. C’est la position de ceux qui prétendent voir un
rôle positif, une mission civilisatrice dans l’histoire coloniale française,
faite de violences, de pillages, de massacres, d’exploitation
institutionnalisée, au plus grand profit des capitalistes et de leurs banques.
Après la
conquête d’Alger en 1830 par un corps expéditionnaire de 37 000 hommes, les 130
ans de colonisation de l’Algérie furent une longue suite de guerres et d’actes
barbares, de traitements inhumains voire de mains coupées. De 1840 à 1848, le
général Bugeaud et ses troupes, au nom de l’intérêt agricole, c’est-à-dire de
l’expropriation forcée des terres de la petite paysannerie, fit fondre la
population autochtone d’un tiers. À coups d’enfumages dans les grottes – la
méthode appliquée par Cavaignac pour exterminer les tribus récalcitrantes –, de
villages brûlés, de répression sauvage des indigènes ou des musulmans, comme étaient
nommés les Algériens par les autorités françaises, les terres, les meilleures
surtout, leur furent confisquées. En 1920, par vagues, un million d’hectares de
terres fertiles volés, l’équivalent d’un pays comme le Liban, étaient passés
aux mains des colons européens.
L’œuvre «
civilisatrice » de la colonisation, ce fut aussi le portage, le transport à dos
d’homme, système rentable pour lequel des opérations de ratissage furent
organisées, en Algérie comme en Afrique de l’Ouest. Dans cette dernière, en
1925, les populations devaient donner 12 à 15 jours par an pour cette tâche. Ce
fut le travail forcé, en principe interdit mais pratiqué sous forme de
prestations en nature. Ce fut le Code de l’indigénat, ensemble juridique et
réglementaire répressif à l’usage des seuls indigènes, instauré par Jules Ferry
en 1881 et qui privait les Algériens de la majorité de leurs libertés et de
leurs droits. Ce fut l’impôt de la capitation, imposé au tournant du siècle, en
nature puis en espèces, qui contraignit les pauvres à vendre leur chèvre ou
leur vache. Pire, la mission civilisatrice de la France, ce furent les
épidémies et les famines qui frappaient des populations épuisées, la famine de
1867 causant 500 000 victimes.
Clairement,
pour les colonisateurs, les colonies devaient être uniquement sources de
profits. Une loi sur l’autonomie financière de celles-ci fut promulguée en
1901, dans le sens où elles ne devaient pas coûter le moindre centime à la
métropole. C’est ainsi que les 500 kilomètres du chemin de fer Congo-Océan,
construit entre 1921 et 1934 par 130 000 Africains réquisitionnés, se solda par
la mort de 15 000 ou 20 000 d’entre eux, pour envoyer vers la métropole le
coton du Tchad et de Centrafrique, le manganèse et le bois du Gabon, ou encore
les oléagineux et le cuivre du Congo. « J’ai vu construire des chemins de
fer, on rencontrait du matériel sur les chantiers. Ici, que du nègre. Le nègre
remplaçait la machine, le camion, la grue ; pourquoi pas l’explosif aussi ? »,
se révoltait en 1929 le journaliste Albert Londres.
Le
mouvement ouvrier, depuis sa naissance, a toujours combattu le colonialisme.
Mais, plus de 50 ans après l’indépendance de l’Algérie, obtenue à la suite
d’une guerre meurtrière, il se trouve toujours, dans la bourgeoisie française
et parmi ses politiciens, des nostalgiques de cette époque.
Viviane LAFONT (Lutte ouvrière n°2534)