Pollution
: étouffés par la loi du profit
Depuis plusieurs jours, toute une
partie du pays est soumise à une violente pollution atmosphérique. Au-delà des
statistiques, des mesures, des avertissements et des polémiques, les faits sont
là et chacun le ressent : l’air devient irrespirable lorsque certaines
situations météorologiques se conjuguent avec la pollution due à l’activité
humaine.
Naguère, seuls les exploités
respiraient l’air vicié des mines et des usines, utilisaient l’eau polluée des
faubourgs ouvriers, mettaient pieds et mains dans les bassins des tanneries ou
des teintureries, crachaient du sang en revenant des fonderies, s’intoxiquaient
au plomb, au mercure, à l’amiante. Les riches, eux, logeaient loin des foyers
de pollution et il fallait une catastrophe industrielle détruisant toute une
ville pour qu’ils en subissent quelque peu les conséquences. Engels remarquait
en 1845 que, dans les villes industrielles, les quartiers bourgeois étaient
situés à l’ouest, pour que les vents dominants les protègent des fumées des usines.
Paris et Londres, par exemple, se sont développés sur ce modèle.
La course au profit, règle de la
société capitaliste, alimente la pollution première : celle que les prolétaires
subissent sur les lieux de production. Elle conditionne également le type de
développement social : le transport individuel plutôt que collectif,
l’autoroute plutôt que le ferroviaire, pas d’investissement dans le logement
populaire de qualité et, surtout, pas ou peu de contrôle sur les industriels,
leurs procédés, leurs bénéfices et le coût social réel de leurs petites
affaires.
Le développement industriel,
l’extension des villes, la multiplication des automobiles font que, désormais,
des agglomérations entières peuvent être prises pendant des jours dans des
brouillards de pollution, quartiers résidentiels compris. Alors, en attendant
d’être en mesure de construire leurs résidences en orbite ou sous une bulle,
comme dans les films de science-fiction, une partie des privilégiés, désormais
concernés, cherchent à limiter les dégâts.
Les mesurettes des grandes
municipalités sur les vignettes et la circulation alternée ne sont que des
pis-aller. Les conseils à l’usage des citoyens, du même ordre que ceux
dispensés pour économiser l’énergie, relèvent certes du bon sens et on ne perd
rien à les suivre. Mais c’est une goutte de miel dans un tonneau de fiel. En
régime capitaliste, seul compte le profit immédiat, quitte à empoisonner les
travailleurs, les riverains, toute une ville, voire les bourgeois eux-mêmes.
Paul GALOIS (Lutte ouvrière
n°2530)