Grand
débat : diversion à grand débit
Après avoir fait usage sans
succès de gaz lacrymogènes jusqu’au 12 janvier contre les manifestations de
gilets jaunes, Macron et le gouvernement espèrent envoyer des gaz anesthésiants
suffisamment puissants avec la « lettre aux Français » et le coup d’envoi du
grand débat national.
Les foules n’ont pas dévoré la
prose élyséenne. On verra si les réunions du grand débat trouvent leur public.
Pour l’heure, Macron s’est déplacé dans la commune de Grand-Bourgtheroulde pour
lancer son opération de déminage, accompagné par douze pelotons de gendarmerie
– plus d’un millier d’hommes dans une commune de 3 800 habitants –, marque
indiscutable d’une volonté de dialogue serein !
Les médias complaisants se sont
emparés de la lettre et du grand débat, parlant d’un processus inédit et
saluant sans rire l’audace de Macron, comme si son gouvernement et lui
n’étaient pas à la recherche d’un tour de passe-passe pour sortir de la crise
politique. En fait, cette fameuse lettre, quand on a la patience de la lire,
est une nouvelle provocation pour un chômeur, un retraité, un travailleur payé
au smic, et pour les gilets jaunes mobilisés pour leur pouvoir d’achat et leurs
conditions de vie quotidienne.
Passé le poncif obligatoire sur « la
France, une des nations les plus égalitaires, fraternelles, et libres »,
Macron annonce qu’après le grand débat, rien ne sera décidé qui remettrait en
cause les choix de son gouvernement. Bien sûr, il y a le refus de rétablir
l’ISF mais, par exemple, Macron propose pour la énième fois comme seul remède
au chômage de donner aux entreprises « les moyens de se
développer ». Cela veut dire : arroser les grosses entreprises
d’argent public et leur garantir une main-d’œuvre la plus flexible possible. Si
l’on trouve le mot salaire dans la lettre, il n’y a évidemment rien de plus que
les miettes annoncées il y a un mois à la télévision.
Macron annonce à l’avance qu’il
n’y aura dans sa politique aucun tournant qui prendrait en compte ce
qu’expriment des gilets jaunes sur la pénurie en services publics. Vous voulez
que l’on baisse des impôts ? Dites-nous dans quels services publics nous
devons sabrer ! C’est ce que fait déjà le gouvernement et, dans sa lettre,
Macron invite à réfléchir à ce dont la population peut se passer.
En plus de faire semblant de
répondre aux attentes populaires, cette lettre incite à mettre en avant la
question de l’immigration et des migrants. La diversion est grossière et
dangereuse, mais Macron l’utilise délibérément, comme les politiciens d’extrême
droite qu’il prétend combattre.
Alors, la meilleure réponse à
cette lettre et au grand débat national serait que la colère contre les
conditions de vie continue de s’exprimer dans les rues et qu’elle entraîne,
au-delà des gilets jaunes, une contestation dans les entreprises, là où il
serait décisif de se battre pour les salaires et l’emploi.
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